La pratique du communisme selon marx

Regroupement et analyse de Marx

posté le 17-11-2010 à 11:49:10

A.2 Le renversement du prolétariat par la bourgeoisie.

« La fraction des républicains bourgeois, qui s’était depuis bien longtemps posée en héritière légitime de la monarchie de juillet, se trouvait ainsi dépassée dans son idéal, mais elle fut portée au pouvoir non pas, comme elle l’avait rêvé sous Louis Philipe, par une révolte libérale de la bourgeoisie contre le trône, mais par une émeute réprimée à coup de mitraille du prolétariat contre le capital. Ce qu’elle s’était imaginé être l’événement le plus révolutionnaire se déroula, en réalité, comme l’événement le plus contre révolutionnaire »

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Gallimard La Pléiade, 1994, Chap.2, p.449



Le prolétariat tenait donc en main le pouvoir d’une façon faible et donc leurs ennemis directs rentrèrent alors dans une bataille politique qui n’avait pas encore dégénérée en une bataille rangée. A la place du prolétariat s’impose alors les républicains bourgeois. Ces derniers sont partisans d’un Etat à la forme démocratique et constitutionnelle et qui sera consubstantiel de la population de l’Etat, c'est-à-dire inséparable du peuple. Mais ce qui semble ici être une démocratie par et pour le peuple n’est en réalité qu’une autorisation pour que chaque classe sociale organisée puisse défendre ses propres intérêts à travers les élections. Ces républicains bourgeois pensaient être alors les dignes héritiers de la monarchie, mais le pouvoir avait pourtant été confisqué par le prolétariat. Cependant nous ne pouvons pas nier que l’histoire leur donnera raison sur le long terme. En effet, le républicanisme est constitué par une opposition à la monarchie. Le système monarchique est par définition la gestion d’un Etat, de l’administration, du territoire et de la population par un homme qui en fait sa propriété privée et qui distribue les restes à ceux qui ont un droit naturel de fait, c'est-à-dire la noblesse. Tandis que le républicanisme est la gestion d’un Etat par les représentants du peuple et ceci qu’une façon souveraine. Le républicanisme n’abolie pas la propriété privée. Il se veut alors héritier naturel de la monarchie car son système politique est, d’une part, le plus élaboré philosophiquement et politiquement à cette époque (car héritier des philosophes des lumières) et, d’autre part, car il se définit fondamentalement en opposition frontal au système monarchique. Le système communiste est quant à lui en pleine constitution puisque Marx est lui-même contemporain de ces faits. De plus il ne se définit seulement qu’en opposition au système républicain bourgeois. Le républicanisme se développement alors logiquement grâce à une révolution libérale. Il faut ici comprendre « libérale » dans le sens premier du terme, c'est-à-dire le moment où chaque membre de la population détient un morceau du pouvoir et ceci de façon souveraine. Mais il le deviendra aussi dans le sens second du terme où chaque bourgeois pourra acquérir la propriété privée de ses entreprises et s’épanouir pleinement, malgré le fait qu’il n’est pas de droit naturel.

Dans les faits, les républicains bourgeois ont été mis au pouvoir grâce à une réprimande sanglante qui n’avait rien de libératrice pour le prolétariat. En effet, dans le développement logique du prolétariat après la révolution, celui-ci confisque et détruit le capital, c'est-à-dire les diverses entreprises de production privée, dans l’objectif de rendre leur biens publiques. Mais naturellement la bourgeoisie, ainsi que les paysans refusent de céder leur propriété privée. Dans la mesure où le prolétariat ne les avait pas anéantis physiquement et politiquement lorsqu’il en avait le pouvoir, les bourgeois ont alors ripostés férocement. Alors, lors de l’affrontement violent, le prolétariat n’a pas, comme nous l’avons vu, la majorité. Il est donc éliminé du pouvoir politique. Cette action n’est donc pas, comme l’avait espéré les penseurs républicains, révolutionnaire mais elle est au contraire contre révolutionnaire car elle est poussée par le désir de conserver les acquis et les privilèges de l’ancien régime, c'est-à-dire les propriétés privées. Les républicains sont contre révolutionnaires car ils visent à stopper l’évolution politique des descendants directs de la révolution, c'est-à-dire le prolétariat. Ceci au moment où celui-ci supprime les privilèges issus directement de l’ancien système. En effet, le système républicain, bien que largement opposé à la monarchie n’abolie pas entièrement ce régime mais il conserve certains principes qui sont favorables à la bourgeoisie. Le républicanisme est donc révolutionnaire par rapport à la monarchie mais bien moins qu’un système issu du prolétariat. Il est donc contre révolutionnaire vis-à-vis du prolétariat. En matant le prolétariat dans le sang, la bourgeoisie empêche ainsi l’évolution du prolétariat et lui confisque le pouvoir. La bourgeoisie prend alors facilement le pouvoir car le prolétariat est maintenant bien trop faible pour anéantir son ancien allié de révolution. A ce moment précis de l’histoire, c’est donc la bourgeoisie républicaine qui obtient le pouvoir. Nous sommes alors en Juin 1848.


« Autant ils avaient fait preuve de brutalité en abusant de la force physique contre le peuple, autant ces purs républicains furent lâches, ahuris, pusillanimes, mortifiés, inaptes au combat, prompts à reculer, maintenant qu’il s’agissait de défendre leur républicanisme et leur droit à légiférer contre le pouvoir exécutif et royaliste. Je n’ai pas à relater ici la lamentable histoire de leur dissolution ; ce fut non une mort, ce fut une agonie ».

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Gallimard La Pléiade, 1994, Chap.2, p456


Le républicanisme n’a pas une vocation despotisme, au contraire, et ceci, comme le fait remarquer Marx, bien qu’il ait abusé de la force physique contre une partie du peuple. En effet, le dessein du républicanisme est d’arriver à une démocratie constitutionnelle, c'est-à-dire à un système où chaque individu peut exprimer son avis par le biais de votes organisés : soit en élisant des représentants, soit par référendum. Ainsi chaque homme devient souverain, c'est-à-dire que chacun est détenteur d’un pouvoir politique inaliénable et chaque voix doit être prise en compte. C’est alors selon ces principes qu’il fut « lâche, ahuri, pusillanime, … », lorsqu’il s’agissait de défendre ce républicanisme. Effectivement et paradoxalement, si chaque homme est souverain et si certains hommes sont contre ce républicanisme, ils doivent alors pouvoir le dire et leur avis doivent alors être respecté. Ceci est d’autant plus vrai s’ils sont majoritaires. De plus, comme le laisse entrevoir Marx, dans cette situation historique, le changement de pouvoir n’a jamais était total. Le pouvoir exécutif a toujours été aux mains des royalistes. En effet, le pouvoir exécutif est chargé de la gestion de la politique courante de l’Etat. En d’autres termes, elle est l’organe administratif, ministériel et répressif qui fait respecter la loi et qui organise l’Etat. Pendant la révolution, le pouvoir législatif a pu facilement être remplacé puisque ce pouvoir représente seulement le pouvoir qui édicte la loi. Son organisation est alors beaucoup plus simple. Ainsi le roi étant tombé, il est remplacé par une assemblée d’hommes (de prolétaires puis maintenant de bourgeois républicains). Mais l’institution immense de l’Etat n’est pas aussi facilement remplaçable et beaucoup d’agents de la fonction publique (policiers, armée ou appartenant à l’administration) étaient toujours, dans leur corps et leur esprit, royalistes (c'est-à-dire qu’ils sont habitués à travailler, pour la cause royaliste et bénéficient d’avantages par rapport au peuple). Ils sont alors fidèles à l’organisation qu’ils ont servie depuis toujours. De plus, les fonctionnaires, en général, ne rentrent par dans les catégories sociales de Marx puisque bien qu’étant obligés de travailler pour vivre, ils n’ont pas de difficulté pour vivre et, ils ne sont pas aliéné par leur travail (puisque d’une part ils n’ont pas de patron, et d’autre part n’ont pas d’objet de travail). Ils n’ont alors d’intérêt dans aucune classe sociale si ce n’est celle qui a toujours faits vivre. Le système démocratique pour le républicanisme n’est valable si les républicains sont majoritaires. Sinon, le républicanisme est voué à sa perte.

La révolution a donc, comme nous l’avons vu, était stoppée par le républicanisme bourgeois par le biais de la violence. Ces républicains ont alors pris le pouvoir législatif des mains des prolétaires mais la révolution n’a pas pris le temps, ni même pris des mesures despotiques nécessaires pour purgé le pouvoir exécutif qui est alors toujours aux mains des royalistes et qui l’a toujours été. Cependant, le républicanisme a pour vocation d’accepter les diverses opinons dans son assemblée législative. Nous retrouvons alors dans l’assemblée des bourgeois républicains, quelques représentants du prolétariat et ceux contre qui tous s’étaient battu : des royalistes qui concentrent entre leurs mains bien plus de pouvoir politique, financier et militaire. Alors naturellement le républicanisme perdit le pouvoir au fur et à mesure. Ainsi : « ce fut non une mort, ce fut une agonie ». En effet, dans l’assemblée législative, le parti composé de royalistes, que l’on nommait parti de l’ordre, se dressait en face des républicains. Ce parti était alors composé de monarchistes légitimistes (c'est-à-dire d’hommes qui prônaient un retour du roi selon les règles de successions) et principalement d’Orléanistes (c'est-à-dire d’hommes qui prônaient une monarchie constitutionnelle en faveur du duc d’Orléans). Ce parti devait cependant accepter et respecter le régime républicain. En mai 1849, le parti de l’ordre remporte alors la majorité absolue lors d’élections législatives. Ces derniers soutenaient alors la candidature de Louis Napoléon Bonaparte. Le républicanisme bourgeois fut alors dépossédé de son pouvoir à cause des principes qu’il avait lui-même mise en œuvre et surtout parce qu’il n’a pas été capable d’en terminer, tout comme le prolétariat, avec son vieille ennemi.


« Par conséquent, l’histoire de la constitution ou de la fondation de la république française se divisa en trois périodes : 4 mai au 24 juin 1848, lutte de toutes les classes et de leurs annexes unies en février sous la direction des bourgeois républicains contre le prolétariat, terrible défaite du prolétariat ; 25 juin 1848 au 10 décembre 1848, règne des bourgeois républicains, rédaction de la constitution, état de siège à Paris, dictature de Cavaignac ; 20 décembre 1848 à Fin mai 1849, lutte de Bonaparte et du parti de l’ordre contre la constitution républicaine, défaite de celle-ci, ruine des bourgeois républicains. »

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Gallimard La Pléiade, 1994Chap.2 p.456


Ainsi l’histoire de la révolution alla de contre révolution en contre révolution, de régression en régression. L’histoire de la république suivit le processus en s’établissant par une contre révolution et en se constituant et en régnant pendant une très courte durée. Elle se fera renverser, par la voix démocratique dans un premier temps, par le parti le plus conservateur et le moins révolutionnaire. Ce que Marx va retenir de ces faits historiques repose dans le fait que toute révolution est suivie nécessairement d’une crise de la révolution où les anciens alliés et vieux ennemis profitent de la faiblesse de la situation pour reprendre le pouvoir. En effet, lors d’une révolution, l’ancien système, qui assurait une certaine stabilité et sécurité, est remis totalement à plat. Quelque chose de nouveau est alors à construire. Mais chaque parti qui a œuvré à la révolution veut naturellement construire son propre système qui lui est favorable. Ceci sans prendre en compte que l’ancien système cherche à revenir au pouvoir. Les prolétaires désirent ainsi une sorte de communisme, d’autres du nationalisme, les bourgeois désirent quant à eux le républicanisme ou une monarchie constitutionnelle, les paysans veulent leurs propriétés privées. Celui qui obtient finalement le pouvoir a alors nécessairement plus d’ennemis que d’alliés car ses anciennes alliances ne tiennent plus. Ceux qui n’ont pas le pouvoir s’allient alors à leur tour pour combattre celui qui l’a obtenu. Ainsi cela s’est produit entre la classe du prolétariat et celle de la bourgeoisie républicaine. Ce processus est alors appelé crise de la révolution. Le phénomène est d’autant plus étendu que pendant une période d’instabilité politique le nombre, les partisans de l’ancien régime ne cesse de s’accroître. La sécurité et la stabilité de l’ancien régime semble préférable à ce chaos politique. C’est de cette manière que le républicanisme se fit renverser par la voix démocratique. La crise de la révolution est alors définie par le risque constant d’une contre révolution. La principale erreur des deux classes sociales qui ont eu le pouvoir entre leurs mains est de n’avoir jamais agit pour lutter contre leurs anciens alliés, autrement dit de n’avoir jamais prit en compte la crise de la révolution. Leur erreur est de n’avoir jamais été despotique, mais d’autres ont su à leur place

 


 
 
posté le 17-11-2010 à 11:47:51

A.1 Le prolétariat au Lendemain de la révolution

«  […] Les révolutions prolétariennes, au contraire, comme celles du XIXéme siècle, se soumettent elles même à une critique permanente, ne cessent d’interrompre leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà avoir été acquis, pour le recommencer une fois de plus, raillent sans complaisance les vieilleries, faiblesses et misères de leurs premières tentatives, semblent n’assommer leur adversaire que pour le lasser tirer du sol des forces nouvelles et se redresser encore grandi en face d’elles, ne cessent de reculer devant l’immensité chaotique de leurs propres buts. »

18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Gallimard La Pléiade, 1994, Chap.1, p.441


Dans ce passage, Marx analyse donc le comportement du prolétariat. Ce dernier est, comme dans toutes révolutions, le bras armé qui envahi puis renverse la classe dominante par la force. Il est, a priori, la classe qui est la plus victorieuse, la plus valeureuse et donc celle qui est amenée de prendre le pouvoir. Toute révolution est alors avant tout, une révolution prolétarienne. C'est-à-dire que puisque la prise de pouvoir, par les armes, est toujours l’acte du peuple des villes (puisque le pouvoir se concentre toujours en ville), c’est donc le prolétariat qui possède en premier le pouvoir. Cependant au lieu d’avancer dans un sens significatif afin de garder le pouvoir, Marx nous apprend que le prolétariat se remet sans cesse en question. L’objectif de ce dernier est alors de faire le mieux possible. Il applique à leur action « une critique permanente ». Il n’accepte donc aucune action sans remettre en cause directement sa valeur. Il n’accepte une action seulement si cette dernière a établi son propre processus rationnel et rigoureux. Le prolétariat fait alors preuve d’esprit critique sur ses propres actions. Cette attitude peut sembler pour le moins des plus vertueuses car elle fait ressortir directement les qualités et les défauts de ses actions. De plus il est sûr de mettre en accord sa volonté et ses actes. Les prolétaires agissent alors le plus rationnellement possible. C’est pourquoi les prolétaires rient, selon Marx, de leurs anciennes tentatives car ils perçoivent la véritable mesure de leurs anciennes actions. Cependant, en réalité, une telle attitude dans de telles circonstances est des moins appropriées. En effet le prolétariat permet ainsi à ses adversaires de s’organiser et de se rapprocher du pouvoir. A l’heure actuelle, le prolétariat risque alors bien plus que le ridicule ou la bêtise de ses actions, il risque de subir une contre révolution.

Le prolétariat avait certes pris le pouvoir, mais il n’a jamais cherché à éliminer ses anciens alliés. En se penchant sans cesse sur la légitimité et la rationalité de ses actions, le prolétariat n’use pas du pouvoir qu’il possède et n’avance que très lentement vers le but qui est le sien. Pire même, Marx affirme que les prolétaires ne « cessent de reculer devant l’immensité chaotique de leurs propres buts ». Ces buts sont qualifiés d’immenses et de chaotiques car le prolétariat, au lendemain de la révolution, ne sait déjà pas comment agir. Le chemin futur, qui doit permettre d’assumer le développement d’un Etat prolétarien, semble alors non seulement lointain mais aussi impossible. De plus son avenir est d’autant plus chaotique qu’il ne voit pas monter en puissance ses adversaires qui ne perdent pas d’énergie à se remettre en question. Le pouvoir venant juste d’être acquis, il est alors d’autant plus fragile. Les anciens alliés du prolétariat sont toujours d’une certaine manière armés et organisés pour prendre le pouvoir. Ce n’est alors probablement pas le moment de faire preuve de faiblesse en cessant constamment l’évolution des actions, qui visent, rappelons le, l’intérêt du prolétariat. L’esprit critique est ici vu comme une faiblesse car ce n’est pas l’action appropriée par rapport aux circonstances présentes. Au contraire, l’esprit critique est ce qui conduira le prolétariat vers sa chute. L’avenir du prolétariat est donc chaotique car la petite et grande bourgeoisie a tout le loisir de s’organiser pour prendre le pouvoir et le prolétariat n’a pas l’esprit à les empêcher. Le prolétariat est trop occupé à réaliser ses actions pour voir la menace grandissante. Ainsi naturellement:


« Tandis que le prolétariat parisien s’enivrait encore des perspectives grandioses qui s’étaient ouvertes devant lui et s’abandonnait à de graves discussions sur les problèmes sociaux, les anciennes forces sociales s’étaient groupées, rassemblées, concertées, et elles trouvaient un appui inattendu dans les masses de la nation, les paysans et les petits bourgeois, qui tous à la fois envahirent brusquement la scène politique. »

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Gallimard La Pléiade, 1994, Chap.1, p 442


Ce qui devait se produire se produisit. Le prolétariat, en prenant le pouvoir, pouvait alors diriger à sa guise la société. Les perspectives qui s’offraient à lui étaient pourtant immenses car il tenait entre ses mains tous les pouvoirs et aucune instance répressive ou force politique pouvait lui faire barrage. C’est alors le moment où le prolétariat devait choisir la voie qu’il désirait suivre. Mais puisque l’éventail de possibilités est infini et que le prolétariat est, rappelons le, la somme des hommes qui doivent travailler pour vivre, alors il ne peut parler d’une seule voix. Une période de grandes discutions naît sur la direction à emprunter, car il n’y a pas de parti puissant pour les diriger. Les problèmes sociaux ici évoqués par Marx ne sont rien d’autre que les diverses chemins à emprunter pour abolir l’aliénation du capital subi par le prolétariat et pour trouver une solution pour l’émancipation totale des travailleurs. Par conséquent, ces « problèmes sociaux » sont une recherche de leurs propres buts et de leurs propres chemins à suivre. Nous pouvons déjà affirmer que le prolétariat ne pouvait être mur pour une prise de pouvoir. Non seulement il n’a pas encore pris conscience de son objectif, puisqu’il se remet constamment en question, mais aussi parce qu’il ne s’est pas organisé en instance politique capable de construire une politique immédiate et postrévolutionnaire. Le prolétariat n’a alors ni de conscience politique, ni un d’objectif déterminé. Alors ce qui devait arriver arriva.

Les anciennes forces sociales se sont « groupées, rassemblées, concertées ». Les forces sociales dont parle ici Marx, sont les anciens partenaires de révolution du prolétariat. Ils ont aussi joué un grand rôle dans la révolution car ils ont rassemblé autour d’eux un certain nombre de partisans. Ces anciens alliés sont donc des forces sociales dans la mesure où elles sont encore capables d’agir et de faire pression sur la société et donc sur le pouvoir en place. Par ailleurs la suite des événements constitue la preuve de leur force sociale. Dans ce groupe d’opposition, nous trouvons, à sa tête, la grande bourgeoisie républicaine, qui protège ses intérêts contre le prolétariat, mais aussi la petite bourgeoisie dont l’objectif est de ne surtout pas tomber dans le prolétariat, ainsi que la paysannerie qui, à cette époque, représente 60% de la population. Cette dernière désir acquérir les terres qu’elle travaille et donc elle désire la propriété privée, concept qui est défendu par la bourgeoisie. Pour comprendre ceci, il faut rappeler qu’au XIX° siècle, 50% de la terre des paysans appartenaient à la noblesse et au clergé. Les autres paysans qui ne sont pas concernés par ce désir de terre, ne désirent alors rien d’autre que de garder leur propriété. Nous pouvons supposer que cette désapprobation massive vient soit de la propagande de la bourgeoisie (qui possède les moyens financiers pour une telle action), soit d’une incompréhension massive des actions du prolétariat, voire même des deux à la fois. Le fait qu’une grande partie de la population soit organisée et hostile au prolétariat et que le prolétariat n’agisse non seulement mollement dans ses actions politiques, mais aussi qu’il ne s’occupe pas de ses ennemis, entraine nécessairement le renversement du pouvoir établi. Nous passons donc au développent historique suivant : de la révolution à la contre-révolution.

 


 
 
posté le 17-11-2010 à 11:43:44

C.3 La relation entre le Parti communiste et les autres partis

C.3.1 Le Parti communiste et le parti des démocrates

« 1. Les fractions les plus avancées de la grande bourgeoisie dont l’objectif est le renversement immédiat et définitif du féodalisme et de l’absolutisme […]

2. Les petits bourgeois démocrates constitutionnels dont le principal objectif pendant le mouvement fut jusque là la création d’un Etat fédéral plus ou moins démocratique […]

3. Les petits bourgeois républicains dont l’idéal est une république fédérative allemande sur le modèle de la Suisse, et qui se disent à présents rouges et socio-démocrates. […] »

La fin de la ligue des Communistes Paris, Gallimard, La Pléiade, 1994 p.549


Marx distingue alors ici deux types de groupes politiques. Celui de la grande bourgeoisie et deux autres groupes de la petite bourgeoisie ou classe moyenne. Le premier groupe, que nous n’avons eu de cesse de présenter, regroupe les capitalistes. La relation qu’entretient le Parti communiste avec ce groupe politique est on ne peut plus clair : une opposition franche et radicale. En effet, le fondement même de tout partit des ouvriers et le projet même du communisme sont basés sur l’effondrement et le dépassement du capitalisme. Nous devons noter que Marx parle ici des différents partis allemands, même si nous pouvons retrouver leur équivalent dans les autres pays. De plus, il faut noter qu’en Allemagne il n’y a pas eu de franche révolution mais plutôt des luttes internes de pouvoir. Marx écrit ici en 1850, la bourgeoisie n’a donc historiquement pas pris le pouvoir et son objectif est toujours le renversement de la monarchie pour les raisons que nous avons déjà évoquées dans la première partie de notre exposé. Les autres types de groupes politiques se distinguent l’un de l’autre en fonction de leurs différentes visions de l’après monarchie. Comme nous pouvons le voir Marx, ainsi que les autres partis ont déjà vendu la peau du roi avant de l’avoir renversé. En effet, avec le recule de l’histoire nous savons que ce n’est qu’en 1918 que l’empereur Guillaume II sera renversé. Cependant, pour Marx comme pour beaucoup d’autres intellectuels, la révolution en Allemagne semble pour demain et ainsi les relations et les définitions des différents partis ne se font que dans la perspective d’une future révolution et prise de pouvoir. Mais ceci a peu d’importance pour notre propos dans la mesure où ces différents partis représentent plus qu’une vision philosophique d’un futur sans monarque, mais ils représentent déjà les intérêts de classes sociales de la population. Ainsi nous allons pouvoir en déduire la relation que doit entretenir le Parti communiste, représentant de la classe du prolétariat, avec les autres partis représentant des autres classes sociales.

Les représentants des classes moyennes se distinguent alors en deux partis politiques. Le premier est celui des petits bourgeois démocrates constitutionnels. Les petits bourgeois sont ceux que l’on peut comprendre aujourd’hui comme étant la classe moyenne car, comme nous l’avons vu, leurs intérêts se distinguent de la grande bourgeoisie seulement dans la mesure où les entreprises de la grande bourgeoisie sont amenées à engloutir, dans leur expansion, les entreprises et commerces de la petite bourgeoisie. La démocratie est un régime politique portant les principes philosophiques et politiques d’une société organisée selon les règles élaborées, décidées et appliquées par l’ensemble des membres de la société. La démocratie est constitutionnelle lorsque ces règles sont organisées par une constitution qui régit et organise hiérarchiquement l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés et ceci au sein de la société. Les petits bourgeois démocrates constitutionnels représentent donc la classe moyenne qui désire avoir une part de pouvoir à travers le vote démocratique dans le gouvernement afin de protéger ses intérêts propres. La classe moyenne est intéressée par ce système dans la mesure où elle aura la possibilité de se préserver et de défendre ses intérêts à travers des représentants au gouvernement, même si le parti adverse est majoritaire.

Le deuxième type de représentants politiques des classes moyennes est le parti des petits bourgeois républicains. La république est, selon cette citation de Jean Jaurès : « le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir sa part de souveraineté ». Autrement dit, dans une république chaque membre de la société a un doit d’exercer le pouvoir de l’autorité publique d’un point de vue législatif, judiciaire ou exécutif. La république est donc l’affirmation d’un bien commun bien plus qu’une simple association d’intérêts. Cette partie de la classe moyenne se dit « rouge », c'est-à-dire l’équivalent aujourd’hui d’un socialo-communisme, dans la mesure où son objectif est aussi de détruire la pression de la grande bourgeoisie sur la petite. Cette pression n’est rien d’autre que l’application du principe de la libre concurrence, comme nous l’avons déjà vu.

 

« Le rapport du parti ouvrier révolutionnaire à la démocratie petite bourgeoise est le suivant : il fait front commun avec elle contre les fractions qu’il cherche à renverser ; il s’oppose à celle-ci en tout ce qui leur sert à consolider sa propre position »

Fin de la ligue des communistes, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1994. p.550


L’objectif des classes moyennes donc est le même que celui du prolétariat car, comme le prolétariat, elles subissent la libre concurrence que leur imposent les capitalistes. Cette concurrence risque à tout moment de précipiter chaque membre des classes moyennes dans la classe du prolétariat. Les petits bourgeois sont les diverses petites entreprises en tout genre. Ils possèdent donc de petits moyens de production qui leur permettent, parfois, de faire travailler quelques ouvriers. Mais en face d’eux s’imposent de plus grandes entreprises qui, pour augmenter leurs gains, viennent en concurrence sur le marché des petites entreprises. Ils font ainsi, comme nous l’avons déjà vu, chuter les prix en créant plus d’offre que de demande et ils précipitent donc les petits bourgeois à la faillite. Ces derniers n’ont alors plus comme autre moyen de vivre que de vendre leur force de travail. En d’autres termes, ils rentrent dans la classe du prolétariat. Les classes moyennes ont donc pour intérêt de ne pas laisser faire une libre concurrence entre les entreprises et ceci pour préserver leur statut social. Ils s’opposent alors à la grande bourgeoisie et ils ont donc sur ce point le même intérêt que celui du Parti communiste et plus généralement, que celui du prolétariat. Ainsi de la même manière, Marx déclare dans le Manifeste du Parti communiste, Ed. GF, p.87 : « Elles [les classes moyennes] ne défendent pas leurs intérêts actuels, mais leurs intérêts futurs, elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat ». En effet les classes moyennes sont menacées par le capitalisme car elles sont incapables de devenir de grands bourgeois, elles sont condamnées à devenir des prolétaires puisqu’elles sont un obstacle au développement des grosses entreprises. En s’opposant au capitalisme, elles ne défendent donc pas leurs intérêts actuels car, en tant qu’entreprises, ce système leur est favorable. Leur intérêt présent est alors dans le capitalisme. Mais celles qui n’ont pas eu d’ambition ou n’ont pas pu se développer (car toutes les entreprises ne peuvent pas être les vainqueurs) sont condamnées dans le futur à fermer leur entreprise et à devenir des prolétaires. Elles défendent donc leur intérêt futur, l’intérêt des prolétaires, en s’opposant au capitalisme. Alors de fait le Parti communiste « fait front commun avec elle[s] contre les fractions qu’il cherche à renverser », puisqu’ils ont le même intérêt.

Cependant, en cas de victoire, les prolétaires et les classes moyennes n’ont pas les mêmes intérêts. En effet les prolétaires veulent anéantir toutes les sortes d’aliénation dans le travail et la domination des classes, qui lui sont supérieures, en rendant publiques les moyens de production. Ils veulent donc aussi anéantir les classes moyennes, dans la mesure où elles aussi exploitent les prolétaires. Or l’objectif des classes moyennes est la préservation de leur entreprise en limitant la concurrence pour préserver leur marché. Elles sont donc conservatrices dans la mesure où elles veulent revenir à un système du style monarchique, où chaque entreprise possède une sorte de monopole sur un certain territoire, comme nous l’avons déjà vu précédemment. Les prolétaires seraient alors asservis par une multitude de petits bourgeois plutôt que par un seul. Ils veulent revenir alors au temps des maîtres de corps de métier et des compagnons. Mais ceci ne supprime en aucun la relation entre oppresseurs et opprimés. Il n’y a que le nom des oppresseurs qui change. C’est pourquoi le Parti communiste « s’oppose à celle-ci en tout ce qui leur sert à consolider [leur] propre position ». Il y a donc un double jeu à incarner pour le Parti communiste.


C.3.2 La relation entre le Parti communiste et les autres partis ouvriers

« Toutes les tentatives de cette sorte ont soit le même objectif que la ligue, à savoir l’organisation révolutionnaire du parti des ouvriers. Dans ce cas elles détruisent la centralisation et la force du parti en le fractionnant et elles constituent de ce fait des groupuscules séparés particulièrement nuisibles. Soit elles ne peuvent avoir pour objectif que d’abuser du parti ouvrier à des fins qui lui sont étrangères ou directement opposées. Le parti ouvrier pourrait bien, à l’occasion, utiliser d’autres partis et fractions de partis à ses propres fins, mais jamais il ne doit se soumettre à aucun autre parti. »

Fin de la Ligue des Communiste Paris, Gallimard, La Pléiade, 1994 p.563


 



Avant toute chose nous devons noter que Marx entend par « toutes les tentatives de cette sorte » les divers essais de rassemblement d’ouvriers dans les différents partis d’Europe indépendamment de la Ligue des communistes. Le terme « Ligue » désigne une association qui a pour objectif de défendre des intérêts communs des membres de la ligue. La ligue des communistes a donc la même fonction qu’un Parti communiste tel que nous l’avons précédemment présenté. Marx distingue cependant le terme « parti » et « ligue » comme on peut le voir par les termes « ligue des communistes » et le « parti des ouvriers ». La ligue a pour objectif ici de fédérer toutes les autres associations ouvrières dans l’objectif de créer le « parti ouvrier » qui est, pour le moment, fictif. Le « parti ouvrier » est donc la somme des différentes associations d’ouvriers. Nous pouvons alors distinguer deux types d’associations ouvrières autres que la ligue des communistes elle-même. Le premier type, que nous pouvons appeler les autres partis communistes, regroupe les partis qui ont le même objectif que la Ligue des communistes. Cet objectif est, comme le réaffirme ici Marx : « L’organisation révolutionnaire du Parti Ouvrier ». En d’autres termes, le rassemblement fraternel des ouvriers dans un parti unique et dans le but de créer une classe universelle, puis une révolution. Alors si les différentes fractions ont ce même objectif, de façon théorique et rationnelle nous ne pouvons pas comprendre pourquoi ils refusent le rassemblement. En effet, une facture entre les différents partis est contre-productive par rapport à leur objectif commun. D’un point de vue pratique nous comprenons très bien que les différents chefs au pouvoir dans les différentes associations luttent pour le pouvoir et refusent de se subordonner à une autre association (car ceci serait synonyme de la perte du pouvoir). De plus, nous pouvons aussi supposer que ces diverses associations ne sont pas toujours en accord avec le fonctionnement pratique de la Ligue des communistes. Bref, ce phénomène de division est compréhensible seulement en prenant en compte un facteur autre que l’essence même de ces assemblées. En effet, dans la pratique, une telle division a des conséquences dramatiques sur l’objectif révolutionnaire car comme le dit Marx : « elle détruit la centralisation et la force du Parti ». Effectivement, pour réaliser une révolution, il faut pouvoir assembler le prolétariat autour d’un même but et il faut aussi pouvoir diriger ce prolétariat dans des actions à objectif révolutionnaire. En effet, il y a toujours des actions stratégiques à réaliser et ces actions sont impossibles sans une certaine rigueur et organisation. Or les différents partis ouvriers rassemblent nécessairement un certain nombre de prolétaires. Donc ces partis étant désunis, les prolétaires sont alors désunis et désorganisés. Pire encore, ceci crée de la concurrence entre les prolétaires qui valorisent plus leur propre parti plutôt que leur véritable intérêt. Il suffit de regarder les anciens combats entre Staliniens et Trotskistes en France et dans toute l’Europe pour en être convaincu. De telles actions empêchent nécessairement une union des prolétaires et donc la révolution en règle générale. Marx lui-même se place du point de vue de la Ligue des communistes en affirmant que ce sont les divers partis ouvriers qui font perdre de la force et du pouvoir de centralisation à la Ligue. Ce qui est vrai dans la mesure où les diverses partis entraînent avec eux les prolétaires dans leur désunions. Ces prolétaires ne répondent alors plus aux ordres du comité central du Parti communiste et ils empêchent alors le Parti d’organiser une véritable révolution. Les prolétaires ne réalisent plus d’actes en vue de cet objectif. La Ligue des communistes perd aussi de sa force puisqu’elle perd de son influence sur les prolétaires et sur leur hypothétique union. Mais ce point de vue peut aussi être placé par rapport aux divers partis ouvriers. Marx a alors choisi la Ligue des communistes comme étant la plus légitime dans la mesure où elle la plus organisée dans chaque pays et même en Europe. Les autres partis ouvriers sont alors contre-productifs pour un objectif qui est pourtant partagé par tous ces partis.

 


Le deuxième type de partis ouvriers, que nous pourrions appeler les partis populistes, regroupe ceux qui ont soit des fins autres, soit des fins totalement opposées à la Ligue des communistes. Nous pouvons alors classer dans cette catégorique les diverses parties nationalistes mais aussi les partis qui visent un intérêt particulier, comme de nos jours les partis écologiques. Ces types de partis sont alors aussi particulièrement nuisibles au Parti communiste et ceci pour les mêmes raisons que ceux des autres types, mais dans une plus grande mesure. En effet, ils sont encore plus dangereux pour le Parti communiste car ils ont tous une dimension populiste, à la différence des partis démocrates. Le populisme est un type de discours qui critique les élites sociales dans l’objectif d’acquérir un soutient électoral et non dans un souci d’éliminer toutes sortes d’élites. De la même manière que les autres partis communistes, les partis populistes fractionnent le prolétariat et empêchent ainsi la Ligue des communistes d’organiser une révolution. En effet, le prolétariat se trouve dans des partis qui ne visent pas ses intérêts propres mais l’intérêt d’une certaine cause, sans solution économique et libératrice pour ce dernier. Il est alors impossible d’obtenir une classe universelle avec ce type de partis et ils sont donc à traiter de la même manière que les partis des petits bourgeois démocrates.

L’attitude du Parti communiste à leur égard est alors directement liée aux actions pratiques et à la condition de la vie politique du moment. En effet, Marx dit clairement qu’il pourrait les utiliser à ses propres fins. Il s’agit alors ici de les manipuler afin d’utiliser la popularité de ces partis au prés des prolétaires afin de profiter d’une certaine union révolutionnaire. Mais ceci tout en empêchant ces différents partis d’accomplir la fin qui leur est propre. Ceci est particulièrement vrai pour les partis populistes. Mais le fait qu’il existe, de fait, des partis politiques qui créent une désunion entre les prolétaires ne remet pas en question, pour Marx, l’élévation du prolétariat en classe universelle et la possibilité d’une révolution. En effet tout comme la relation avec les partis de la classe moyenne, le Parti communiste compte faire front commun contre les ennemis qu’ils partagent et de s’opposer à eux en tout ce qui pourrait lui permettre d’accomplir ses objectifs. Tout comme Lénine pour la révolution de 1917 en Russie, le Parti communiste devra doubler ses opposants dans la dernière ligne droite afin de prendre le pouvoir. Rappelons aussi que Lenine, dans l’après révolution, a éliminé physiquement tous ces anciens alliés. Nous allons voir ce point prochainement mais maintenant nous allons développer la stratégie que Marx a envisagée pour entretenir des relations avec tous ces partis qui lui sont opposés.





C.3.3 Les actions pratiques du Parti communiste vis-à-vis des partis adverses.


« Quand il s’agit de livrer combat à un adversaire commun, nul besoin d’une union particulière. Dés qu’il faut combattre directement un tel ennemi, les intérêts des deux partis, pour le moment, coïncidents, et, comme par le passé, cette alliance calculée seulement pour une courte durée se nouera spontanément. »

La Fin de la Ligue des Communiste Paris, Gallimard, La Pléiade, 1994 p.550


Nous pourrions résumer la relation entre le Parti communiste et les autres partis qui sont opposés au capitalisme par la phrase populaire : « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». En effet, selon Marx, un accord entre tous les partis se réalise de fait. Ici Marx parle juste de la relation entre le Parti communiste et le parti démocrate, mais ce qui est vrai pour les petits bourgeois est aussi pour les autres partis ouvriers dans la mesure où Marx a affirmé précédemment que : « Le parti ouvrier pourrait bien, à l’occasion, utiliser d’autres partis et fractions de partis à ses propres fins ». Tous les partis opposés au capitalisme ont tous le même premier objectif, renverser les grands bourgeois pour prendre le pouvoir, mais aucun n’est capable d’y arriver seul. Leurs visions ne varient seulement qu’après la chute du capitalisme. Comme nous l’avons vu, les partis des petits bourgeois ont besoin d’évincer la grande bourgeoisie pour conserver leur statut social. Les autres partis ouvriers, eux, ont soit le même intérêt que le Parti communiste, soit ils défendent des intérêts particuliers qui vont à l’encontre des intérêts de la grande bourgeoisie. En effet, dans le cas contraire pourquoi créer un parti différent du parti capitaliste ? Nous pouvons cependant supposer qu’un tel parti populiste est avantageux aux yeux de la grande bourgeoisie dans la mesure où il diminue l’influence du Parti communiste et crée de la concurrence et de la désunion dans le prolétariat. Cependant dans une telle perspective, le parti sera tout de même obligé de suive le mouvement car ceci représente une belle possibilité de prise de pouvoir. Donc dans la lutte, leur union est naturelle car chaque parti voit dans la révolution le progrès de son propre intérêt et une opportunité de passer au stade supérieur. C’est l’intérêt commun de chaque parti qui soude les partis présumés opposés. Marx dit qu’une telle alliance s’est déjà réalisée dans le passé. Il fait allusion aux nombreuses révolutions de l’année 1848 qui traversèrent toute l’Europe. Les bourgeois, petits bourgeois et prolétaires étaient alors unis dans les diverses révolutions contre un ennemi commun : les Aristocrates. Marx a fait d’ailleurs une multitude de commentaires sur ces actions historiques dans Révolution Et Contre-Révolution1. Il montre aussi comment la bourgeoisie s’est montré contre-révolutionnaire, c'est-à-dire qu’elle a écrasée dans le sang les petits bourgeois et les prolétaires, dès qu’elle a évincée les Aristocrates et qu’elle a eu le pouvoir. Elle a alors doublé les autres partis qui étaient anciennement ses alliées pour réaliser son propre intérêt. Nous allons donc voir maintenant comme doit agir le Parti communiste dans la pratique pour contrecarrer les plans des autres partis politiques.


« Avant toute chose, les travailleurs doivent contrecarrer au maximum pendant le conflit et après le conflit et immédiatement après le combat, toute tentative d’apaisement de la part des bourgeois et forcer les démocrates à mettre en pratique leurs phases terroristes du moment. Ils doivent par leur effort empêcher que l’effervescence révolutionnaire du moment ne soit de nouveau étouffée aussitôt après la victoire. Bien au contraire, il leur faut la maintenir le plus longtemps possible. Bien loin de s’opposer aux prétendus excès, aux exemples de vengeance populaire contre des individus exécrés ou des édifices publics auxquels ne se rattachent que des souvenirs odieux, il convient non seulement de tolérer ces exemples, mais d’en assumer soi-même la direction. »

La Fin de la Ligue des Communistes, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1994 p.553


Comme l’affirme ici Marx, pour contrecarrer les plans du parti de la classe moyenne, il faut empêcher l’apaisement de la population. En effet, lors d’une révolution, il y a naturellement des combats de rue, la destruction des moyens de production et des tribunaux révolutionnaires, c'est-à-dire la mise à mort d’un certain nombre de personnes jugées par les révolutionnaires comme étant responsables de l’ancien régime. En effet, les raisons qui poussent les prolétaires à la révolution sont concentrées dans les aliénations qu’ils subissent, alors pour s’émanciper ils doivent supprimer leurs anciens bourreaux physiquement ainsi que leurs instruments. Dans le cas contraire ces derniers pourraient toujours revenir au pouvoir dans une contre-révolution pour remettre en place l’ancien régime, comme cela c’est déjà produit dans l’histoire. Tant qu’ils seront vivants, le risque d’une contre-révolution existera. Les révolutionnaires s’attaqueront ensuite aux moyens de production soit en les détruisant soit en s’en emparant car, comme nous l’avons vu, l’aliénation passe aussi par la nature même des moyens de production, notamment par la division du travail. Dans la révolution les prolétaires détruisent la cause (les bourgeois) et l’objet (les moyens de production) de leur aliénation. Or, comme nous l’avons vu, les classes moyennes ne sont rien d’autre que des petits bourgeois. Autrement dit, elles exploitent aussi, mais en moins grande quantité, les prolétaires. De plus elles possèdent aussi des moyens de production. Bref, les classes moyennes sont les prochaines sur la liste logique des victimes de la révolution. Il faut donc empêcher d’apaiser les prolétaires car c’est dans la durée même de la révolution que les communismes prennent le pouvoir devant les petits bourgeois. Il faut donc « forcer les démocrates à mettre en pratique leurs phrases terroristes ». Nous devons noter que le terme terroriste, qui a une forte connotation aujourd’hui, n’est rien d’autre que la désignation d’un groupe d’hommes armés qui ne se battent pas pour un état, en d’autre terme, c’est une armée non-officielle. Ainsi les révolutionnaires sont des terroristes car ils ne se battent non pas pour l’Etat, mais contre l’Etat et pour la prise de pouvoir de l’Etat. La mise en pratique de la phrase terroriste des démocrates n’est alors rien d’autre que la révolution elle-même. Donc pour laisser la population dans une phrase terroriste, il faut surtout ne pas désarmer le prolétariat. En effet si le prolétariat est désarmé, il n’a alors plus les moyens de se battre et donc la révolution est terminée.

Le mot effervescence révolutionnaire désigne ici le moment historique où la population est portée à ébullition et commence à détruire l’ancien mode de société. Ceci désigne la fin du développement du prolétariat en classe universelle et révolutionnaire. Il faut alors maintenir ce bouillonnement au maximum pour détruire la classe bourgeoise, puis petite bourgeoise, mais aussi car de la même manière que ce phénomène physique, l’effervescence du prolétariat ne se réalise qu’après un long travail de développement et d’échauffement de ce dernier. En effet, comme nous l’avons vu, il faut d’abord l’unir puis l’organiser. De plus pendant une révolution, il y a de lourdes pertes humaines ce qui décourage naturellement le prolétariat de faire des révolutions périodiquement. Si le prolétariat s’arrête au cours de la révolution, c'est-à-dire avant l’élimination totale de la petite et grande bourgeoisie, alors cela signifie que ce dernier n’est plus capable de lutter contre l’intérêt d’autres classes car l’effervescence est terminée. La bourgeoisie peut alors de nouveau se développer en organisant une contre-révolution, c'est-à-dire mettre en œuvre des moyens théoriques (livres, journaux, tracts…) ou pratiques (forces militaires) pour annuler les effets d’une révolution et ceci aussitôt ou même bien longtemps après. Ou bien, la classe moyenne peut profiter de cette demi-effervescence révolutionnaire du prolétariat pour acquérir le pouvoir. Les prolétaires ayant stoppés leur phase révolutionnaire, c'est-à-dire s’étant désarmés, n’ont plus les moyens de lutter contre la contre-révolution. Il faut alors dans le cas d’une telle perspective remobiliser les prolétariats. Mobilisation qui peut certes être moins longue que pour la première action révolutionnaire mais la conscience de la mort qui naît au fur et à mesure des combats révolutionnaires entraine des mobilisations de moins en moins puissantes. C’est pourquoi il est important de maintenir cette effervescence le plus longtemps possible.

Pour maintenir cette effervescence révolutionnaire, il faut alors que le Parti communiste organise lui-même les « vengeances populaires » et la destruction des « édifices publiques ». Mais ces actes sont tous de même qualifiés par Marx excès. Effectivement se sont des excès de violence dans la mesure où d’abord les vengeances populaires, à la différence des tribunaux révolutionnaires, ne sont pas basées sur des faits avérés de participation à l’ancien régime mais plutôt sur des conflits d’ordre privé. Ensuite ce sont des excès car ce type d’actes n’est pas nécessaire pour l’accomplissement d’une révolution. Cependant ces faits sont inévitables car il y a toujours certaines personnes qui profiteront des événements pour accomplir leurs intérêts ou leurs pulsions. Mais les classes moyennes devront naturellement se baser sur ces exemples d’excès pour désarmer le prolétariat. En effet ces excès de violence sont, dans une certaine mesure, la preuve que certaines personnes utilisent la révolution pour accomplir des actes répréhensibles et non révolutionnaires. Il faut alors désarmer la population rapidement pour empêcher la continuation de ces méfaits. Sur ce type de discours peut se greffer la contre-révolution qui convaincra une certaine partie des prolétaires de se désarmer, tandis que l’autre partie sera alors qualifiée de « casseurs » et « d’anarchistes » et pourra ainsi être écrasée militairement sans soutient massif. Les petites classes moyennes pourront alors prendre le pouvoir en stoppant la révolution et ainsi maintenir leur statut social. Il ne faut jamais perdre à l’idée que tout de suite après la révolution plusieurs partis politiques espèrent profiter de ces actions historiques. Le Parti communiste doit organiser des événements tels que les « vengeances populaires » et autres dégradations d’édifices pour éviter la désunion du prolétariat qui stopperait l’effervescence. Il doit unir l’ensemble des prolétaires autour de lui car il doit englober l’ensemble des actions révolutionnaires. Son objectif est de ne jamais stopper la révolution. Cette révolution permanente n’est alors rien d’autre que ce qu’on appelle la dictature du prolétariat.

Le Parti communiste a pour rôle de réunir un maximum de prolétaires autour de lui afin de pouvoir organiser une révolution. Mais il est un fait qu’il existe plusieurs partis politiques qui non seulement cherchent aussi à rallier le prolétariat à leur cause, car ils en ont besoin, mais aussi qui ne rêvent que de profiter de la révolution pour acquérir le pouvoir. Et ceci sans parler de l’ancien parti capitaliste qui menace toujours de reprendre le pouvoir dans une contre-révolution. La dictature du prolétariat est alors, selon Marx, la solution qui est censée répondre à ce risque de contre révolution en instaurant une révolution permanente. Mais cette dictature est aussi la partie la plus controversée et la plus ambiguë du Marxisme. Nous allons alors maintenant l’analyser.





1 Révolution et Contre-révolution en Europe, Paris, Gallimard La Pléiade, 1994

 


 
 
posté le 17-11-2010 à 11:41:53

C.2 La preuve de L’union Universelle

« Lorsque les ouvriers communistes se réunissent, c’est d’abord en vue de se saisir de la doctrine, de la propagande, etc. Mais en même temps, ils acquièrent par là un besoin nouveau, le besoin de la société, et ce qui semble être le moyen est devenu le but. On peut observer les plus brillants résultats de ce mouvement pratique lorsqu’on voit réunis des ouvriers socialistes Français. Fumer, boire, manger, etc., ne sont pas là comme des moyens de se réunir, comme des moyens de s’unir. La société leur suffit ; les réunions et les divertissements ne visent qu’à créer cette société. Chez eux, la fraternité humaine n’est pas une phase mais une vérité, et la noblesse de l’humanité brille sur ces figures endurcies par le travail. »

Manuscrit de 1844, Paris GF Flammarion, 1996, p.194


Comme nous pouvons le lire, il y a clairement un objectif officiel et un objectif officieux dans les réunions des prolétaires. C’est seulement lorsque l’objectif officieux est atteint que nous pouvons dire que toutes les conditions sont réunies pour le déroulement d’une révolution. L’objectif officiel des diverses réunions organisées par le Parti communiste est de faire saisir aux prolétariats la doctrine. Ici le terme « propagande » ne doit pas être compris dans le sens péjoratif actuel qui est directement issu des grandes dictatures du siècle dernier, c'est-à-dire l’ensemble des moyens de communication utilisés par un pouvoir politique afin d’endoctriner et d’embrigader la population. La propagande, au XIXéme siècle, était un terme courant de la même famille que le terme propager et qui désignait alors l’ensemble des moyens utilisés pour propager une idée. Ainsi selon cette définition n’importe quelle publicité ou affiche d’information était une propagande. Ainsi donc les prolétaires se réunissaient pour saisir les informations théoriques données par la presse du Parti communiste. Ceci a alors pour objectif de non seulement faire comprendre au prolétariat que son intérêt coïncide avec ceux du Parti communiste, mais aussi de diffuser les informations du Parti communiste à travers la médiation des ouvriers qui, à un moment ou un autre, iront prêcher dans leurs lieux de travail. L’objectif officiel est alors double. Cependant par ces réunions, les prolétaires parviennent à assimiler le besoin « nouveau » de la société. La société est par définition un groupe de personnes réuni par des intérêts communs et qui vivent dans un groupe organisé selon leurs propres règles. Le besoin de la société est alors le manque perçu par les prolétaires d’être désunis et la douleur de ne pas pouvoir vivre selon leurs principes. De ce besoin naissant de la société naît alors une frustration d’impossibilité. En effet les prolétaires désirent vivent ensembles et selon leurs propres principes mais ceci semble impossible dans l’état actuel des choses. Alors ils désirent changer cet état de chose et la doctrine communiste leur montre que ceci est réalisable par la révolution et que c’est l’essence même du communisme. Ainsi par le désir d’être unis, les prolétaires désirent la révolution et le communisme. Ce qui semblait être le moyen est devenu le but dans la mesure où le moyen était de se réunir pour comprendre la doctrine du Parti communiste et maintenant, par le besoin de la société, le but est de pouvoir s’unir par le biais de la révolution communiste. Mais voyons maintenant comment naît ce besoin de la société.

Ainsi Marx ajoute : « Fumer, boire, Manger, etc., ne sont plus là comme des moyens de se réunir, comme des moyens de s’unir ». Nous pouvons mettre ce passage en relation avec ce que déclare Marx dans le passage que nous avons analysé précédemment : « ce qui est animal devient humain et ce qui est humain devient animal » (Manuscrit de 1844, Paris GF Flammarion, 1996, p.113). Comme nous l’avons vu, les hommes sont aliénés dans l’acte même de travailler (voir le passage de notre exposé en question), ce qui est humain, c'est-à-dire le travail, devient alors animal car le travail n’est plus réalisé dans le but de progresser techniquement, mais dans le but de vivre (comme pour les activités des animaux). Mais ce qui est animal, c'est-à-dire manger, boire, etc., devient humain car ce sont les moments où l’homme est libéré, dans la pratique, de sa vie d’aliéné, de la nécessitée de travailler pour vivre. Les besoins animaux se transforment en plaisir car ils ne sont plus vécus comme une nécessité mais comme une liberté. Le capitalisme crée un inversement de l’essence même du travail dans la vie des prolétaires. Là où ils devraient être libre, dans le travail, ils sont aliénés et là où ils sont contraints, dans les besoins naturels, les prolétaires ont l’impression d’être libres. De plus manger et boire procure des plaisirs naturels depuis longtemps reconnus et par beaucoup d’entre nous. Un plaisir qui n’existe pas dans le travail aliéné. Le capitalisme a créé une société où les biens de consommation s’acquièrent non par le travail en propre, mais par l’échange du salaire du travail contre des biens. Le plaisir de profiter de son propre travail n’existe plus, nous profitons maintenant de notre argent. Les prolétaires sont donc libres seulement dans leurs choix des biens qu’ils mangeront et boiront. Ils n’éprouvent pas directement de difficultés à manger et à boire car ces actes ne sont pas directement issus du travail. Le plaisir de ces actions et la liberté abstraite de choix semblent alors largement préférables au travail aliéné. Ce qui est animal devient alors logiquement humain. Or lorsque les ouvriers se réunissent après le travail pour manger, boire, fumer (bien que ceci ne soit pas un besoin animal, nous pouvons tout de même le considérer comme un plaisir de la même nature) ils passent alors de l’aliénation du travail animal au plaisir de la table et même au plaisir de la liberté humaine. Alors il est tout à fait logique que naissent le besoin de la société. Dans cette société créée par les réunions des prolétaires, ils ont l’impression d’être libres et heureux car ils échappent à l’aliénation du travail de la société capitaliste. Ainsi cette société leur suffit. Ils sont alors beaucoup plus que simplement unis, ils sont poussés par le désir de vivre ensemble. Ils sont plus que solidaires, leurs plaisirs est de vivre ensemble.

Les diverses réunions des prolétaires ne sont donc qu’un moyen pour créer la classe universelle. D’ailleurs Marx l’affirme : ces réunions « ne visent qu’à créer cette société ». La société ici créée n’est rien d’autre que des prolétaires qui désirent vivre selon leurs propres lois dans leurs propres groupes organisés. En un mot, les réunions ne visent qu’à créer le désir de la société communiste. La fraternité humaine devient une vérité. Nous pouvons définir la fraternité comme étant un ordre social dans lequel chaque homme aimerait l’autre comme son propre frère. Ici, cette fraternité est devenue une vérité car la preuve de ce fait réside dans la création même du besoin de la société et du désir de la révolution. En effet, c’est parce que les prolétaires éprouvent entre eux de la fraternité qu’ils éprouvent un grand plaisir à se réunir et c’est donc par ce plaisir de se réunir qu’ils éprouvent le besoin de la société. Et c’est par le besoin de la société qu’ils désirent la révolution. La fraternité est le stade ultime pour une classe universelle car chaque membre aime l’autre, par définition, comme son frère et par conséquent ils sont unis par des liens les plus forts possibles. En se réunissant autour de ce qui est devenu humain pour eux, les prolétaires créent une union fraternelle qui est confirmée par le besoin de la société. Toutes les conditions pour la révolution semblent alors réunit. Le Parti communiste peut alors la déclencher. Cependant, nous devons remarquer que l’union fraternelle ne peut se faire seulement qu’entre petits groupes. En effet, il semble impossible de réunir l’ensemble des prolétaires pour que tous fraternisent entre eux. Ceci est physiquement impossible à réaliser. Il ne peut y avoir qu’une multitude de groupuscules d’unions fraternelles de prolétaires. L’union des différents groupes ne se fait alors seulement que par le fait qu’ils soient communistes. Autrement dit l’union des diverses groupuscules ne se fait que par la médiation du Parti communiste. Le prolétariat n’est alors pas universel directement mais seulement par la médiation du Parti communiste qui unit tous les groupes fraternels de prolétaires.


 


 
 
posté le 17-11-2010 à 11:40:45

C.1 Le seul vrai parti des prolétaires : Le Parti communiste

C.1.1 Définition du Parti communiste

Dans notre développement logique, nous sommes à l’aube théorique de la révolution communiste. Nous allons donc analyser maintenant le rôle du Parti communiste dans ce moment révolutionnaire.


« Les communistes ne constituent pas un parti particulier en face des autres partis ouvriers. Ils n’ont pas d’intérêts séparés de ceux du prolétariat tout entier. Ils ne posent pas de principes particuliers selon lesquels ils veulent modeler son mouvement. »

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998 p.91


Il n’y a donc pas de différence entre le Parti communiste et les autres partis : Tous cherchent à défendre les prolétaires. Il ne constitue alors pas un parti particulier dans le sens où il défend les idées universelles de tous les prolétaires. En effet, l’objectif est de constituer une masse unie des prolétaires et donc le Parti communiste a pour tâche cet objectif. Pour ce faire, il ne doit pas s’imposer contre les autres partis ouvriers, mais au contraire il doit les réunir en son sein et même les fédérer. Ainsi le Parti communiste ne peut pas être un parti particulier en face des autres partis. De même, les communistes n’ont pas d’intérêts séparés de ceux des prolétaires car ceci serait contraire à leur objectif d’union révolutionnaire. Pour que les prolétaires, assemblés en pouvoir politique, prennent le pouvoir il faut alors une révolution. Mais pour une révolution, il faut que les prolétaires soient unis en masse universelle. Autrement dit, le Parti communiste a besoin de l’ensemble des prolétaires pour acquérir le pouvoir. Il doit alors être le représentant des intérêts de l’ensemble des prolétaires et ceci dans le but que les prolétaires suivent le parti en vue d’une révolution. Ainsi Marx insiste sur le fait qu’il n’a pas de principes particuliers et qu’il ne veut pas et ne doit pas « modeler le mouvement ». L’objectif est de chercher, au contraire, une dimension universelle. Des principes particuliers seront nécessairement en opposition avec certains individus de la classe prolétarienne car, par définition, les principes particuliers sont spécifiques à un individu ou un groupe d’individu. L’objectif étant le rassemblement des prolétaires, les principes particuliers sont les motifs de désunion : Ils sont alors prohibés. Le Parti communiste ne cherche pas à conduire le mouvement des prolétaires dans ce même objectif. Il est le parti des prolétaires et pour les prolétaires et donc ce sont ainsi les prolétaires qui donnent le mouvement au Parti communiste. L’objectif est clairement de rassembler un maximum de personnes au sein de ce parti en vue de la prise de pouvoir par la violence.


« Les communistes ne se distinguent des autres partis prolétariens que sur deux points : d’une part, dans les diverses luttes nationales des prolétaires ; ils mettent en évidence et font valoir les intérêts communs à l’ensemble du prolétariat et indépendant de la nationalité ; d’autre part, aux divers stades de développement que traverse la lutte entre le prolétariat et bourgeoisie, ils représentent toujours l’intérêt de l’ensemble du mouvement. »

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998 p.91


D’une part, le Parti communiste se distingue des autres partis ouvriers sur le fait qu’il soi universel. En effet, certains partis ouvriers ne défendent qu’un secteur particulier, par exemple seulement celui de la métallurgie, ou alors ils défendent des principes particuliers qui ne sont pas dans l’intérêt d’une autre catégorie du prolétariat, comme le patriotisme. Le Parti communiste se veut universel à travers tous les types de prolétaires et c’est pourquoi il ne fait valoir seulement ce qui est commun à l’ensemble pour éviter les fractures internes et la concurrence entre les prolétaires. Il se veut universelle, c'est-à-dire qu’il veut s’étendre à tous les prolétaires et donc il n’entretient pas d’action qui serait contraire à cet objectif. Selon cette logique, le Parti communiste est indépendant de toute nationalité : Il se veut donc international. Marx s’est déjà positionné face au nationalisme dans une critique contre l’oppression allemande que subissait la Pologne. Il dira ainsi qu’ « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être un peuple libre ». Mais c’est plus particulièrement Engel qui s’exprimera sur le cas du nationalisme et contre le Fénianisme. Le Fénianisme est une organisation irlandaise des années 1850 qui se base sur deux principes. D’abord que l’Irlande a un droit naturel à l’indépendance et ensuite que ce droit ne peut être acquis que par la révolution. Ce mouvement nationaliste a gagné l’adhésion populaire et ouvrière et est devenu un populisme socialisant. Marx et Engel ont alors refusé de se laisser gagner par les sentiments nationalistes et, dans un souci de rationalité, n’ont pas subordonné le mouvement et les intérêts du prolétariat à des enjeux nationalistes, bien qu’il aurait été intéressant pour le Parti communiste irlandais de profiter de cette vague. Mais l’opposition est parfaitement rationnelle dans la mesure où le communisme a pour objectif de libérer les prolétaires de l’oppression bourgeoise et non de libérer tel ou tel pays de l’impérialisme de tel autre. Les distinctions et les enjeux du prolétariat dépassent les frontières. En effet, comme nous l’avons vu, le prolétariat n’a plus de patrie et selon cette logique le parti des prolétaires ne doit pas être nationaliste. De plus, il se distingue des autres partis sur ce point car les mouvements nationalistes triomphaient dans l’Europe au XIX Siècle, ceci aura les conséquences historiques que nous connaissons aujourd’hui. Il n’y a pas de doctrine nationaliste dans le Marxisme et dans le communisme issu de ce philosophe.

D’autre part, Marx dit que le Parti communiste, dans les luttes entre le prolétariat et la bourgeoisie, représente toujours l’intérêt de l’ensemble du mouvement, c'est-à-dire qu’il cherche toujours à préserver cette lutte et non à trouver des compromis entre les deux classes opposées. Ce mouvement de lutte a pour issue inévitablement, pour Marx, la victoire du prolétariat car celui-ci n’a rien à perdre dans un tel affrontement, si ce n’est ses propres chaînes. Le Parti communiste vise alors d’une l’union des prolétaires et de deux le renversement de la bourgeoisie par la violence. Les autres partis ouvriers ne recherchent pas une guerre ouverte, mais ils cherchent à combler les intérêts immédiats des prolétaires, c'est-à-dire imposer leurs revendications. Or, comme nous l’avons vu, ces revendications ne doivent être qu’un moyen médian pour une plus grande fin : la révolution. Le Parti communiste cherche donc à entretenir la lutte des classes alors que les autres partis se base sur des fins plus médiocres comme des revendications sociales. Le Parti communiste cherche par-dessus tout la révolution et les revendications ne sont qu’un prétexte pour assembler le prolétariat. Par la recherche de la confrontation, il dépasse les simples ambitions politiques, mais il veut transformer la vie des prolétaires en changeant la société. La révolution s’impose comme étant la légitimité et la condition d’une société nouvelle. Dans cette perspective, le Parti communiste a donc pour seul objectif la révolution et c’est par quoi il se distingue des autres partis ouvriers. Dans cette perspective il met tout en place pour atteindre cet objectif et donc, entre autre il cherche à rendre le prolétariat universel.


C.1.2 Le rôle du Parti communiste

« Les communistes sont donc dans la pratique la partie la plus résolue des parties ouvriers de tous les pays, celle qui ne cesse d’entraîner les autres ; sur le plan de la théorie ; ils ont sur le reste de la masse du prolétariat l’avantage de comprendre clairement les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien ».

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998, p91


Marx distingue ici deux rôles du Parti communiste, un rôle théorique et un rôle pratique. D’une part, dans le rôle pratique, le Parti communiste est le parti le plus résolu, c'est-à-dire qu’il est le plus déterminé à atteindre un objectif clair : la révolution. Il est alors le plus résolu des partis ouvriers car son essence même repose dans le fait d’atteindre cette fin. Comme nous l’avons vu précédemment, il se définit et se distingue des autres partis selon un seul critère, il ne met à l’écart aucun prolétaire quelque soit sa nationalité ou sa particularité. Il est donc universel car il est pour tous les ouvriers. Or tout parti politique a pour objectif de prendre le pouvoir et pour prendre le pouvoir, il faut pouvoir être capable de rassembler le plus grand nombre de partisans possible. Le Parti communiste est donc le plus déterminé des partis ouvriers dans la pratique car il est le seul parti qui met tout en œuvre, en cherchant à être universel, pour atteindre cet objectif. Il est alors le parti « qui ne cesse d’entraîner les autres » car le fondement du Parti communiste repose dans ce mouvement. En effet nous pourrions mettre cette phrase en lien avec le passage suivant de l’Idéologie Allemande qui défini le communisme :


« Le communisme n’est pas pour nous un état qui serait à créer, un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui supprime l’état de chose actuel »

Idéologie Allemande, Paris, Ed. Social, 1968, p.64


Dans la première phrase de ce passage, le mot « état » est à comprendre dans les deux sens du terme. D’abord au sens où le communisme n’est pas un Etat politique à créer car l’état n’est, pour Marx, qu’un instrument au service des intérêts d’une classe, comme nous l’avons déjà vu. Or l’objectif du communisme est la disparition des différences de classe et ainsi de parvenir à l’Etat sans Etat. Ensuite au sens où le communisme n’est pas un état de chose, c'est-à-dire comme l’indique la deuxième partie de phrase : « un idéal sur lequel la réalité devra se régler ». Un idéal est par définition un regroupement d’idées qui ne peut exister que dans l’entendement. Le communisme ne veut pas être un idéal mais un « mouvement réel qui supprime l’état de chose actuel ». L’état de chose actuel est le capitalisme que nous avons maintes fois défini. Le communisme n’est pas un idéal dans la mesure où il met tout en œuvre dans la pratique pour combattre un fait réel : le capitalisme. Ceci montre qu’il est rattaché à la réalité, à la différence d’un idéal. Le parti est alors l’instrument politique de cette définition, c'est-à-dire le mouvement pratique et politique. En d’autres termes le communisme est le mouvement pratique et politique qui combat le capitalisme et qui donc n’a de cesse d’entraîner les ouvriers dans ce combat. Il a deux dimensions : d’abord il assemble le prolétariat autour de lui et ensuite il pousse le prolétariat vers le combat contre le capitalisme. Ceci est l’essence même du Parti communiste et c’est ce qui en fait aussi le parti le plus résolu car c’est le seul qui se donne les moyens pratiques pour atteindre une fin réelle.

Dans le rôle théorique, le Parti communiste a pour rôle de guider la masse du prolétariat. En effet, bien que Marx ait dit précédemment que le Parti communiste n’avait pas pour objectif de modeler le mouvement, il déclare maintenant que ce parti comprend « les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien » mieux que l’ensemble de la masse. Ainsi Marx affirme ici que le Parti communiste est supérieur à la masse des prolétaires dans la mesure où il sait où cela va les mener. En effet, le but du Parti communiste est d’atteindre la révolution et, dans la pratique, il met tout en place pour atteindre ce but en rassemblant le prolétariat autour de lui. Par conséquent, c’est un fait établi qu’il connaît les conditions à suivre pour une révolution, puisque qu’il est l’instrument politique de cette révolution. Les conditions, la marche et les résultats généraux de ce mouvement ne sont rien d’autre que l’évolution du processus communisme que nous mettons ici à jour. Cependant, le Parti communiste se déploie principalement dans la pratique. Ce rôle théorique est en réalité une justification de sa domination sur les autres partis. En réalité, le rôle théorique du parti se concentre dans la presse du Parti communiste :


« Quelle est la tâche de la presse d’un parti ? Avant tout : discuter. Elle doit justifier, développer, défendre les revendications du parti, rejeter et réfuter les prétentions et thèses du parti adverse. »

Capitalisme et révolution, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1982, p.744


La presse du parti des prolétaires a donc pour rôle de faire connaître les idées du parti et de les présenter comme rationnelles. C’est donc elle qui est réellement l’organe théorique du Parti communiste. La presse est à comprendre comme étant l’ensemble des moyens de diffusion de l’information. Or comme nous l’avons vu précédemment en analysant la citation de l’Idéologie Allemande, p.71 (Voir parti B.1.1) : « toute nouvelle classe qui se substitue à une classe dominante […] doit prêter à ses pensées la forme de l’universalité les présenter comme seules raisonnables, les seules comme universellement valables ». Sans répéter ce qui a déjà été dit sur ce sujet nous devons nous poser deux questions : à qui faut-il présenter ses idées et pourquoi les présenter comme cela ? Comme je l’ai déjà démontré, prêter à ses pensées la forme de l’universalité ne signifie rien d’autre que de faire apparaître aux autres ses propres pensées comme pouvant s’appliquer à eux-mêmes. Le but est donc de rallier l’autre à ses propres idées. Mais l’autre n’est pas n’importe quel individu. L’autre est un membre du prolétariat qui ne fait pas encore partie de la classe universelle. En présentant les idées du parti comme étant de celles des prolétaires isolés, le Parti communiste, par le biais de la presse, fait adhérer les prolétaires isolés au parti. « Justifier, développer et défendre » représente la même action que de « présenter comme les seules raisonnables » et « universellement valables ». La presse est primordiale car elle a pour but de faire rallier, sur le plan théorique, les prolétaires aux idées du Parti communiste. Ceci pour toujours servir un même objectif : rassembler les prolétaires en une classe universelle et créer la révolution. Inversement l’organe théorique du Parti communiste doit aussi « rejeter et réfuter les prétentions et thèses du parti adverse ». Ainsi la presse du Parti communiste essaye de ne pas précipiter les prolétaires dans les partis adverses. Cet organe théorique a donc un but tout à fait pratique qui est de rassembler les prolétaires dans l’enceinte du Parti communiste et au pire d’au moins les éloigner des autres partis adverses. Que ce soit sur le plan théorique comme sur le plan pratique, le Parti communiste n’a qu’une seule fonction : rassembler les prolétaires en une classe universelle pour les précipiter dans la révolution le moment venu.


« Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les autres partis prolétariens : constitution du prolétariat en classe, renversement de la domination de la bourgeoisie, conquête du pouvoir politique par le prolétariat. »

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998, p.92


Dans cette première partie de citation, Marx ne pouvait pas être plus clair. Le Parti communiste n’a qu’un seul et unique objectif : la révolution. Tout ce qu’il entreprend n’est qu’un moyen pour atteindre cet objectif en rassemblant le prolétariat en classe. En d’autres termes, le Parti communiste vise le fait que tous les prolétaires voient et suivent le même intérêt. C’est alors ce parti qui doit former et organiser les prolétaires en une classe universelle. L’intérêt des prolétaires devient alors le renversement de la domination et la conquête du pouvoir, en deux mots : la révolution. Dans un souci de ne pas se répéter nous noterons seulement que l’intérêt des prolétaires repose alors dans la révolution car c’est par ce biais qu’ils pourront transformer les moyens de production actuels pour anéantir les aliénations qu’ils subissent. Le problème qui se pose alors maintenant dans le processus historique communiste est de savoir comment reconnaître le moment précis où nous avons la certitude que le prolétariat agit comme une classe universelle et que le Parti communiste peut alors lancer la révolution concrètement.

 


 
 
 

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