Dans notre développement logique, nous sommes à l’aube théorique de la révolution communiste. Nous allons donc analyser maintenant le rôle du Parti communiste dans ce moment révolutionnaire.
« Les communistes ne constituent pas un parti particulier en face des autres partis ouvriers. Ils n’ont pas d’intérêts séparés de ceux du prolétariat tout entier. Ils ne posent pas de principes particuliers selon lesquels ils veulent modeler son mouvement. »
Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998 p.91
Il n’y a donc pas de différence entre le Parti communiste et les autres partis : Tous cherchent à défendre les prolétaires. Il ne constitue alors pas un parti particulier dans le sens où il défend les idées universelles de tous les prolétaires. En effet, l’objectif est de constituer une masse unie des prolétaires et donc le Parti communiste a pour tâche cet objectif. Pour ce faire, il ne doit pas s’imposer contre les autres partis ouvriers, mais au contraire il doit les réunir en son sein et même les fédérer. Ainsi le Parti communiste ne peut pas être un parti particulier en face des autres partis. De même, les communistes n’ont pas d’intérêts séparés de ceux des prolétaires car ceci serait contraire à leur objectif d’union révolutionnaire. Pour que les prolétaires, assemblés en pouvoir politique, prennent le pouvoir il faut alors une révolution. Mais pour une révolution, il faut que les prolétaires soient unis en masse universelle. Autrement dit, le Parti communiste a besoin de l’ensemble des prolétaires pour acquérir le pouvoir. Il doit alors être le représentant des intérêts de l’ensemble des prolétaires et ceci dans le but que les prolétaires suivent le parti en vue d’une révolution. Ainsi Marx insiste sur le fait qu’il n’a pas de principes particuliers et qu’il ne veut pas et ne doit pas « modeler le mouvement ». L’objectif est de chercher, au contraire, une dimension universelle. Des principes particuliers seront nécessairement en opposition avec certains individus de la classe prolétarienne car, par définition, les principes particuliers sont spécifiques à un individu ou un groupe d’individu. L’objectif étant le rassemblement des prolétaires, les principes particuliers sont les motifs de désunion : Ils sont alors prohibés. Le Parti communiste ne cherche pas à conduire le mouvement des prolétaires dans ce même objectif. Il est le parti des prolétaires et pour les prolétaires et donc ce sont ainsi les prolétaires qui donnent le mouvement au Parti communiste. L’objectif est clairement de rassembler un maximum de personnes au sein de ce parti en vue de la prise de pouvoir par la violence.
« Les communistes ne se distinguent des autres partis prolétariens que sur deux points : d’une part, dans les diverses luttes nationales des prolétaires ; ils mettent en évidence et font valoir les intérêts communs à l’ensemble du prolétariat et indépendant de la nationalité ; d’autre part, aux divers stades de développement que traverse la lutte entre le prolétariat et bourgeoisie, ils représentent toujours l’intérêt de l’ensemble du mouvement. »
Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998 p.91
D’une part, le Parti communiste se distingue des autres partis ouvriers sur le fait qu’il soi universel. En effet, certains partis ouvriers ne défendent qu’un secteur particulier, par exemple seulement celui de la métallurgie, ou alors ils défendent des principes particuliers qui ne sont pas dans l’intérêt d’une autre catégorie du prolétariat, comme le patriotisme. Le Parti communiste se veut universel à travers tous les types de prolétaires et c’est pourquoi il ne fait valoir seulement ce qui est commun à l’ensemble pour éviter les fractures internes et la concurrence entre les prolétaires. Il se veut universelle, c'est-à-dire qu’il veut s’étendre à tous les prolétaires et donc il n’entretient pas d’action qui serait contraire à cet objectif. Selon cette logique, le Parti communiste est indépendant de toute nationalité : Il se veut donc international. Marx s’est déjà positionné face au nationalisme dans une critique contre l’oppression allemande que subissait la Pologne. Il dira ainsi qu’ « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être un peuple libre ». Mais c’est plus particulièrement Engel qui s’exprimera sur le cas du nationalisme et contre le Fénianisme. Le Fénianisme est une organisation irlandaise des années 1850 qui se base sur deux principes. D’abord que l’Irlande a un droit naturel à l’indépendance et ensuite que ce droit ne peut être acquis que par la révolution. Ce mouvement nationaliste a gagné l’adhésion populaire et ouvrière et est devenu un populisme socialisant. Marx et Engel ont alors refusé de se laisser gagner par les sentiments nationalistes et, dans un souci de rationalité, n’ont pas subordonné le mouvement et les intérêts du prolétariat à des enjeux nationalistes, bien qu’il aurait été intéressant pour le Parti communiste irlandais de profiter de cette vague. Mais l’opposition est parfaitement rationnelle dans la mesure où le communisme a pour objectif de libérer les prolétaires de l’oppression bourgeoise et non de libérer tel ou tel pays de l’impérialisme de tel autre. Les distinctions et les enjeux du prolétariat dépassent les frontières. En effet, comme nous l’avons vu, le prolétariat n’a plus de patrie et selon cette logique le parti des prolétaires ne doit pas être nationaliste. De plus, il se distingue des autres partis sur ce point car les mouvements nationalistes triomphaient dans l’Europe au XIX Siècle, ceci aura les conséquences historiques que nous connaissons aujourd’hui. Il n’y a pas de doctrine nationaliste dans le Marxisme et dans le communisme issu de ce philosophe.
D’autre part, Marx dit que le Parti communiste, dans les luttes entre le prolétariat et la bourgeoisie, représente toujours l’intérêt de l’ensemble du mouvement, c'est-à-dire qu’il cherche toujours à préserver cette lutte et non à trouver des compromis entre les deux classes opposées. Ce mouvement de lutte a pour issue inévitablement, pour Marx, la victoire du prolétariat car celui-ci n’a rien à perdre dans un tel affrontement, si ce n’est ses propres chaînes. Le Parti communiste vise alors d’une l’union des prolétaires et de deux le renversement de la bourgeoisie par la violence. Les autres partis ouvriers ne recherchent pas une guerre ouverte, mais ils cherchent à combler les intérêts immédiats des prolétaires, c'est-à-dire imposer leurs revendications. Or, comme nous l’avons vu, ces revendications ne doivent être qu’un moyen médian pour une plus grande fin : la révolution. Le Parti communiste cherche donc à entretenir la lutte des classes alors que les autres partis se base sur des fins plus médiocres comme des revendications sociales. Le Parti communiste cherche par-dessus tout la révolution et les revendications ne sont qu’un prétexte pour assembler le prolétariat. Par la recherche de la confrontation, il dépasse les simples ambitions politiques, mais il veut transformer la vie des prolétaires en changeant la société. La révolution s’impose comme étant la légitimité et la condition d’une société nouvelle. Dans cette perspective, le Parti communiste a donc pour seul objectif la révolution et c’est par quoi il se distingue des autres partis ouvriers. Dans cette perspective il met tout en place pour atteindre cet objectif et donc, entre autre il cherche à rendre le prolétariat universel.
« Les communistes sont donc dans la pratique la partie la plus résolue des parties ouvriers de tous les pays, celle qui ne cesse d’entraîner les autres ; sur le plan de la théorie ; ils ont sur le reste de la masse du prolétariat l’avantage de comprendre clairement les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien ».
Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998, p91
Marx distingue ici deux rôles du Parti communiste, un rôle théorique et un rôle pratique. D’une part, dans le rôle pratique, le Parti communiste est le parti le plus résolu, c'est-à-dire qu’il est le plus déterminé à atteindre un objectif clair : la révolution. Il est alors le plus résolu des partis ouvriers car son essence même repose dans le fait d’atteindre cette fin. Comme nous l’avons vu précédemment, il se définit et se distingue des autres partis selon un seul critère, il ne met à l’écart aucun prolétaire quelque soit sa nationalité ou sa particularité. Il est donc universel car il est pour tous les ouvriers. Or tout parti politique a pour objectif de prendre le pouvoir et pour prendre le pouvoir, il faut pouvoir être capable de rassembler le plus grand nombre de partisans possible. Le Parti communiste est donc le plus déterminé des partis ouvriers dans la pratique car il est le seul parti qui met tout en œuvre, en cherchant à être universel, pour atteindre cet objectif. Il est alors le parti « qui ne cesse d’entraîner les autres » car le fondement du Parti communiste repose dans ce mouvement. En effet nous pourrions mettre cette phrase en lien avec le passage suivant de l’Idéologie Allemande qui défini le communisme :
« Le communisme n’est pas pour nous un état qui serait à créer, un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui supprime l’état de chose actuel »
Idéologie Allemande, Paris, Ed. Social, 1968, p.64
Dans la première phrase de ce passage, le mot « état » est à comprendre dans les deux sens du terme. D’abord au sens où le communisme n’est pas un Etat politique à créer car l’état n’est, pour Marx, qu’un instrument au service des intérêts d’une classe, comme nous l’avons déjà vu. Or l’objectif du communisme est la disparition des différences de classe et ainsi de parvenir à l’Etat sans Etat. Ensuite au sens où le communisme n’est pas un état de chose, c'est-à-dire comme l’indique la deuxième partie de phrase : « un idéal sur lequel la réalité devra se régler ». Un idéal est par définition un regroupement d’idées qui ne peut exister que dans l’entendement. Le communisme ne veut pas être un idéal mais un « mouvement réel qui supprime l’état de chose actuel ». L’état de chose actuel est le capitalisme que nous avons maintes fois défini. Le communisme n’est pas un idéal dans la mesure où il met tout en œuvre dans la pratique pour combattre un fait réel : le capitalisme. Ceci montre qu’il est rattaché à la réalité, à la différence d’un idéal. Le parti est alors l’instrument politique de cette définition, c'est-à-dire le mouvement pratique et politique. En d’autres termes le communisme est le mouvement pratique et politique qui combat le capitalisme et qui donc n’a de cesse d’entraîner les ouvriers dans ce combat. Il a deux dimensions : d’abord il assemble le prolétariat autour de lui et ensuite il pousse le prolétariat vers le combat contre le capitalisme. Ceci est l’essence même du Parti communiste et c’est ce qui en fait aussi le parti le plus résolu car c’est le seul qui se donne les moyens pratiques pour atteindre une fin réelle.
Dans le rôle théorique, le Parti communiste a pour rôle de guider la masse du prolétariat. En effet, bien que Marx ait dit précédemment que le Parti communiste n’avait pas pour objectif de modeler le mouvement, il déclare maintenant que ce parti comprend « les conditions, la marche et les résultats généraux du mouvement prolétarien » mieux que l’ensemble de la masse. Ainsi Marx affirme ici que le Parti communiste est supérieur à la masse des prolétaires dans la mesure où il sait où cela va les mener. En effet, le but du Parti communiste est d’atteindre la révolution et, dans la pratique, il met tout en place pour atteindre ce but en rassemblant le prolétariat autour de lui. Par conséquent, c’est un fait établi qu’il connaît les conditions à suivre pour une révolution, puisque qu’il est l’instrument politique de cette révolution. Les conditions, la marche et les résultats généraux de ce mouvement ne sont rien d’autre que l’évolution du processus communisme que nous mettons ici à jour. Cependant, le Parti communiste se déploie principalement dans la pratique. Ce rôle théorique est en réalité une justification de sa domination sur les autres partis. En réalité, le rôle théorique du parti se concentre dans la presse du Parti communiste :
« Quelle est la tâche de la presse d’un parti ? Avant tout : discuter. Elle doit justifier, développer, défendre les revendications du parti, rejeter et réfuter les prétentions et thèses du parti adverse. »
Capitalisme et révolution, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1982, p.744
La presse du parti des prolétaires a donc pour rôle de faire connaître les idées du parti et de les présenter comme rationnelles. C’est donc elle qui est réellement l’organe théorique du Parti communiste. La presse est à comprendre comme étant l’ensemble des moyens de diffusion de l’information. Or comme nous l’avons vu précédemment en analysant la citation de l’Idéologie Allemande, p.71 (Voir parti B.1.1) : « toute nouvelle classe qui se substitue à une classe dominante […] doit prêter à ses pensées la forme de l’universalité les présenter comme seules raisonnables, les seules comme universellement valables ». Sans répéter ce qui a déjà été dit sur ce sujet nous devons nous poser deux questions : à qui faut-il présenter ses idées et pourquoi les présenter comme cela ? Comme je l’ai déjà démontré, prêter à ses pensées la forme de l’universalité ne signifie rien d’autre que de faire apparaître aux autres ses propres pensées comme pouvant s’appliquer à eux-mêmes. Le but est donc de rallier l’autre à ses propres idées. Mais l’autre n’est pas n’importe quel individu. L’autre est un membre du prolétariat qui ne fait pas encore partie de la classe universelle. En présentant les idées du parti comme étant de celles des prolétaires isolés, le Parti communiste, par le biais de la presse, fait adhérer les prolétaires isolés au parti. « Justifier, développer et défendre » représente la même action que de « présenter comme les seules raisonnables » et « universellement valables ». La presse est primordiale car elle a pour but de faire rallier, sur le plan théorique, les prolétaires aux idées du Parti communiste. Ceci pour toujours servir un même objectif : rassembler les prolétaires en une classe universelle et créer la révolution. Inversement l’organe théorique du Parti communiste doit aussi « rejeter et réfuter les prétentions et thèses du parti adverse ». Ainsi la presse du Parti communiste essaye de ne pas précipiter les prolétaires dans les partis adverses. Cet organe théorique a donc un but tout à fait pratique qui est de rassembler les prolétaires dans l’enceinte du Parti communiste et au pire d’au moins les éloigner des autres partis adverses. Que ce soit sur le plan théorique comme sur le plan pratique, le Parti communiste n’a qu’une seule fonction : rassembler les prolétaires en une classe universelle pour les précipiter dans la révolution le moment venu.
« Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les autres partis prolétariens : constitution du prolétariat en classe, renversement de la domination de la bourgeoisie, conquête du pouvoir politique par le prolétariat. »
Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998, p.92
Dans cette première partie de citation, Marx ne pouvait pas être plus clair. Le Parti communiste n’a qu’un seul et unique objectif : la révolution. Tout ce qu’il entreprend n’est qu’un moyen pour atteindre cet objectif en rassemblant le prolétariat en classe. En d’autres termes, le Parti communiste vise le fait que tous les prolétaires voient et suivent le même intérêt. C’est alors ce parti qui doit former et organiser les prolétaires en une classe universelle. L’intérêt des prolétaires devient alors le renversement de la domination et la conquête du pouvoir, en deux mots : la révolution. Dans un souci de ne pas se répéter nous noterons seulement que l’intérêt des prolétaires repose alors dans la révolution car c’est par ce biais qu’ils pourront transformer les moyens de production actuels pour anéantir les aliénations qu’ils subissent. Le problème qui se pose alors maintenant dans le processus historique communiste est de savoir comment reconnaître le moment précis où nous avons la certitude que le prolétariat agit comme une classe universelle et que le Parti communiste peut alors lancer la révolution concrètement.