La compréhension de l’organisation de la commune de Paris durant ces deux mois d’existences est centrale pour comprendre la deuxième conception de la dictature du prolétariat. En effet, Marx n’a de cesse de la citer en exemple dans ce qui doit être l’après révolution.
Nous nous situons pendant le règne de Napoléon III et comme nous l’avons vu à travers le commentaire du 18 Brumaire de Louis Bonaparte, la France est clairement et majoritairement royaliste. Le 19 Juillet 1870, Napoléon III entreprend alors une guerre contre la Prusse. Paris est rapidement assiégé et connaît alors une grave famine. Napoléon subit alors rapidement une défaite. Ainsi le 4 septembre de la même année, Napoléon est emprisonné et la IIIème république est alors proclamée. Les élections pour l’assemblée ont alors lieu où les royalistes ont la majorité mais où tous les élus de Paris sont de farouches républicains. Adolphe Thiers devient alors chef du pouvoir exécutif. Pour la nouvelle république, il s’agit alors de négocier une paix avec l’Allemagne. Les royalistes veulent alors une paix rapide où l’une des conditions de l’Allemagne est le désarmement de Paris. Quant aux républicains, en majorité parisiens, ils veulent protéger Paris des Allemands et refusent de se laisser désarmer. Un bras de fer entre les royalistes (provinciaux et grand bourgeois de Paris) et les républicains (majoritairement parisiens) s’engendre. De plus, il faut noter qu’à Paris, les ouvriers sont très nombreux, ainsi que les petits artisans et commerçants et que depuis au moins 30ans, ils sont bercés par l’idéologie républicaine, communiste ou anarchiste.
Alors rapidement, l’Assemblée Nationale devient méfiante vis-à-vis de la population Parisienne et elle s’exile alors à Versailles à partir du 10 mars. De plus, elle prend des mesures qui vont mettre encore plus les parisiens dans la misère. Ainsi, l’assemblée décide la suppression du moratoire des effets de commerce, des loyers et des dettes, c'est-à-dire que tous les délais qui étaient accordés sont maintenant supprimés. De nombreux artisans, commerçants et ouvriers se voient alors menacés. Les historiens estiment à prés de 150 000 milles personnes menacés directement de faillite ou de poursuites judiciaires. De plus, l’assemblée décide de supprimer la solde quotidienne des soldats de la Garde Nationale, c'est-à-dire des soldats résidant essentiellement à Paris. Ceci entraine alors un manque de revenu pour les classes les plus pauvres de Paris. Ceci a pour conséquence de souder les Parisiens entre eux et ces mesures font grandir la colère des quartiers populaires qui sont majoritaires dans Paris.
Le 17 mars 1871, Aldophe Thiers et son gouvernement décident d’envoyer des troupes à Paris pour s’emparer des 227 canons de la butte de Montmartre. Les Parisiens se sentent alors naturellement directement menacés car ils se voient sans défense vis-à-vis d’éventuelles attaques des Allemands ou des troupes gouvernementales (comme pour le coup d’Etat de Napoléon III). Les historiens ont alors dénombré prés de 500 000 fusils entre les mains des Parisiens. Le 18 mars, le peuple parisien s’oppose à la troupe venu chercher les canons, puis ils fraternisent avec les soldats. Rapidement, un peu partout dans Paris, des barricades sont montées et le peuple fraternise avec les soldats de la ville. Les deux généraux présents sont alors fusillés. C’est le début de l’insurrection, Thiers et les grands bourgeois de Paris (environs 100 000 selon les historiens) gagnent Versailles. C’est le début de la Commune de Paris.
Bien entendu, les prolétaires et qui plus est des prolétaires républicains, ne sont pas les seules a rester dans la ville de Paris. En réalité la mini-révolution qui vient de se passer est faite par des hommes dont l’union repose plus dans le fait d’habiter et d’aimer la même ville que sur une idéologie bien précise. Cependant nous pouvons tout de même les regrouper dans une catégorie dite de diverses gauches. Ainsi pour s’organiser politiquement, des élections sont organisées pour désigner 92 membres du conseil de la commune. Nous dénombrons alors parmi les élus, des jacobins, plutôt centralisateurs, des radicaux, partisans d’une république démocratique et sociale, des Blanquistes, partisans de l’insurrection, des Proudhoniens, qui désirent une réformation sociale et des « indépendants ». Ainsi rapidement, le conseil de divise en « minorité » et « majorité ». Il réalisa un «comité de salut publique » qui a pour objectif de préserver la Commune des risques intérieurs. Ainsi, ce comité interdit toute presse qui vantait les avantages du gouvernement de Thiers. Le conseil se divisa rapidement en dix commissions : exécutive, militaire, subsistance, finance, justice, sûreté générale, travail, industries et échange, services publiques et enseignement. L’action administrative de ce gouvernement fut alors considérable et il accomplit de nombreuses réformes avant-gardistes, qui furent abolies dès sa chute mais qui seront reprises des années plus tard. Ces premières actions furent de supprimer les poursuites des non payés et de verser une pension aux veuves, aux blessés de guerre, aux orphelins des gardes nationaux tuées au combat. Le gouvernement réquisitionna ensuite les logements vides pour abriter des victimes de bombardement. Des orphelinats sont ainsi créés avec des aides alimentaires. Puis des ventes publiques d’alimentation sont organisées et des cantines municipales sont créées. Du coté idéologique, le drapeau rouge est adopté ainsi que le calendrier républicain. La liberté de la presse est réaffirmée (bien que restreinte ensuite). Enfin, le gouvernement prévoit une transformation radicale de la société. Le travail de nuit des boulangers est interdit, ainsi que le travail clandestin. Les ateliers abandonnés sont réquisitionnés et donnés à la coopération des ouvriers. La journée de travail passe alors à 10h et les conditions de ce dernier sont déterminées par les ouvriers eux-mêmes. Un salaire minimum est alors créé. La commune interdit aussi les amendes et les retenus sur salaire. Les bureaux de placements de main d’œuvre qui était privé (et cachait souvent des « négriers ») sont rendu publique. Les écoles privées sont interdites et l’on crée une école publique avec deux écoles professionnelles. L’enseignement devient laïc et l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes est décrétée. Du coté de la religion, le catholicisme est n’est plus décrété « religion de la majorité des Français ». La commune décrète alors la séparation de l'État et de l'Église et la suppression du budget réservé au culte.
Du coté de la population, naît une incroyable effervescence politique poussée par le gouvernement. Le conseil maintient une pression politique en organisant régulièrement des élections à répétitions. Ainsi le peuple entier n’est pas isolé par rapport à une poignée d’intellectuels conscients. Au contraire, il participe directement aux décisions importantes. Mais surtout, pendant cette période de la Commune de Paris, la population n’a de cesse d’améliorer sa culture et sa conscience politique car aux quatre coins de la ville se sont organisé des clubs. La population peut ainsi se réunir afin de discuter de la situation, de trouver d’éventuelles solutions et de faire pression sur les élus. A l’intérieur nous retrouvons alors des orateurs réguliers ou occasionnels qui viennent déclarer leurs aspirations, en particulier sur un nouvel ordre social favorable aux classes les plus pauvres. Cependant, bien que ce genre de club se multiplie dans le Paris populaire, il n’existe aucun club dans les quartiers riches de Paris. Les clubs se fédèrent rapidement afin d’avoir des contacts plus efficaces avec le conseil de la Commune. De plus, la liberté de la presse étant affirmée, de nombreux journaux sont créés. En plus des titres déjà existant, plus de 70 journaux sont créés pendant les 70 jours de la Commune. La population acquière alors rapidement un esprit politique. Cependant en réalité, la majorité des actions de la Commune fut de lutter contre les offensives des versaillais. Aussi, lorsque les Versaillais décidaient de donner l’assaut contre la Commune de Paris, ce n’est pas à une armée d’un autre gouvernement qu’ils devaient se confronter mais à la population d’une ville entière qui se battait pour les idées qu’elle avait elle-même participé. L’armée de la Commune était alors avant tout une armée populaire, c'est-à-dire composée de la population qui se battait non pas pour de l’argent ou pour défendre les intérêts de son pays, mais pour ses idées et ses systèmes sociaux. Ainsi avant l’offensive des versaillais qui fut fatale à la commune, les historiens ont dénombrés 254 bataillons, soit entre 25 et 30 milles hommes.
Mais ce qui était prévisible arriva, les versaillais pénétrèrent dans Paris le 20 mai 1871 et entamèrent un véritable massacre ce qui valu à la semaine qui suivit le nom de « semaine sanglante ». Entre 10 et 25 milles exécutions sommaires, viols et meurtres d’ouvriers furent réalisés. En échange les communards furent exécutés l’archevêque de Paris. Mais la répression fut encore plus féroce après la victoire des versaillais, prés de 10 000 condamnations à mort furent prononcées et 4 000 personnes furent déportées au bagne de la Nouvelle-Calédonie