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Titre du blog : La pratique du communisme selon marx
Auteur : lapratiqueducommunisme
Date de création : 17-11-2010
 
posté le 17-11-2010 à 11:37:34

B.2 Les premiers pas du prolétariat vers la classe universelle

Dans cette partie nous allons voir comment Marx, à la manière d’un historien, analyse les relations empiriques entre le prolétariat et le patronat. Nous allons voir ainsi comment les forces productives présentes entrent en contradiction avec le mode de production et pourquoi ceci est propice à une révolution.


« Au début, la lutte est engagée par les ouvriers isolés, puis par les ouvriers d’une usine, puis par les ouvriers d’une branche d’activité dans une localité, contre le bourgeois individuel qui les exploite directement. Ils dirigent leurs attaques non seulement contre les rapports bourgeois de production, ils les dirigent contre les instruments de production eux même ; ils détruisent les marchandises étrangères qui leur font concurrence, ils brisent les machines, ils mettent le feu aux usines, ils cherchent à reconquérir la position disparue de l’ouvrier du Moyen Age. »

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998 p.83


Dans un premier temps, Marx part du fait que certains ouvriers isolés entrent en conflit avec leur patron respectif. Il faut noter que nous sommes ici au début du capitalisme. Nous sommes alors juste avant la chute réelle de la monarchie et du règne sans partage de la bourgeoisie. Nous pouvons affirmer alors que les conflits entre les ouvriers isolés et les patrons ne peuvent être dus qu’aux conditions de travail ou au prix des salaires car la relation entre bourgeois et prolétaire ne passait que par le travail. Dans un premier temps, les conditions de travails sont le nom donné, d’une manière générale, à l’environnement et aux méthodes que subissent les salariés sur leur lieu de travail. Ces conditions de travails sont nécessairement les plus oppressantes possibles pour la masse salariale car d’une part l’amélioration de l’environnement du lieu de travail entraîne nécessairement des coûts aux entreprises et donc des dépenses supplémentaires. D’autre part car les méthodes de travail sont le plus soutenues possibles pour que l’ouvrier produisent plus et ainsi augmente le rendement ainsi que nécessairement les gains finaux de l’entreprise. Ainsi l’intérêt des conditions de travail optimales dans les entreprises sont symétriquement opposées chez les ouvriers et dans le patronat. Le patronat veut nécessairement obtenir un maximum de profit possible et le prolétariat veut travailler dans les meilleures conditions possibles. Les conflits éclatent alors nécessairement sur ce sujet. Dans un second temps, les conflits peuvent aussi éclater à cause du prix des salaires qui, comme nous l’avons déjà vu, ne permet à l’ouvrier que de survivre. L’ouvrier voyant qu’il ne peut pas vivre avec son salaire et qu’il ne peut pas profiter des avantages du capitalisme, exige nécessairement un salaire plus élevé. Des conflits éclatent alors entre les ouvriers et les patrons. Cependant, dans ce premier temps historique, les conflits n’opposent que certains ouvriers isolés à leurs patrons car seulement certains auront le courage de défier leur patron et ceci toujours au péril de leur emploi (et donc indirectement de leur vie). Effectivement, nous sommes ici dans les années 1850 et donc aucune infrastructure et aucune loi ne défend les intérêts des ouvriers. En France ce n’est qu’en 1922 que le premier code du travail a été écrit et ce n’est qu’en 1973 qu’il a été promulgué en loi. Avant cette date, les conditions de travail, le niveau des salaires n’étaient définis que par un accord plus ou moins équitable entre le patronat et les prolétaires, entre l’offre de travail et la demande de travail. Les ouvriers qui se rebellaient contre leurs conditions pouvaient donc être licenciés sans aucun problème. Ce n’est, au départ, qu’une poignée d’ouvriers qui entrèrent en conflits avec leur patron car beaucoup avaient peur de le faire. Nous allons donc appeler cette partie d’ouvriers, les ouvriers « rebelles ». De plus les ouvriers « rebelles » étaient nécessairement isolés car aucune structure syndicale n’était mise en place dans les entreprises. Les moyens de communication de l’époque étaient aussi beaucoup plus restreints. Les groupes d’ouvrier n’étaient alors pas en relation les uns avec les autres. Ce n’est qu’ensuite seulement que les ouvriers ont pu se rassembler, d’abord au sein de leur usine, puis au sein d’une branche d’activité. Les faibles moyens de communication de l’époque ne permettaient pas de rassembler des milliers de personnes. Ainsi pour lutter ensemble contre le patron de l’entreprise, les ouvriers ne pouvaient se rassembler qu’entre eux, dans leur usine. Pour convaincre les différents ouvriers de l’entreprise de rejoindre le mouvement de contestation, il faut alors aller voir chaque ouvrier et le convaincre en personne. Ceci car au départ, les ouvriers « rebelles » n’avaient aucuns moyens financiers et ils ne pouvaient utiliser les moyens des ouvriers d’aujourd’hui comme les tracts, les affiches, les conférences, etc. Ainsi, les ouvriers « rebelles » ne pouvaient espérer au plus que mobiliser les ouvriers de leur usine, puis les ouvriers de leur secteur d’activité. Ceci se cantonne juste à un secteur d’activité car la communication entre les divers ouvriers ne pouvait se faire que de bouche à oreille et donc seulement entre les hommes qui travaillent ensemble, mais aussi car seuls les ouvriers d’un secteur d’activité étaient concernés par les revendications : à savoir, sur les conditions de travail et sur le prix des salaires. Donc au départ, les mouvements de revendications partaient d’ouvriers « rebelles » puis gagnaient petit à petit l’usine puis le secteur d’activité. Nous devons noter que ces mouvements de revendications se dirigeaient naturellement contre un seul homme : le bourgeois qui possédait l’entreprise et qui, à l’intérieur de celle-ci, définissait les conditions de travail des ouvriers ainsi que leurs salaires. Nous ne pouvons alors pas encore parler de lutte de classe.

Dans un second temps, les ouvriers rassemblés dirigent leurs attaques d’abord naturellement contre les rapports bourgeois de production car c’est à partir de ces rapports que sont directement issues leurs conditions de travail et le prix de leur salaire. Les rapports bourgeois de production sont les relations salariales établies entre la bourgeoisie et le prolétariat que nous avons vu précédemment. Mais aussi leurs actions se dirigent contre leurs instruments de production, c'est-à-dire contre leurs outils de travail. Ces instruments de production sont directement la cause de leurs revendications. Effectivement, leurs outils de travail sont, hormis leur propre corps, les machines et autres instruments. Les conditions de travail sont alors directement issues de diverses machines industrielles qu’utilisent les ouvriers car ce sont ces machines qui permettent un travail plus soutenu de la part des ouvriers. Alors, pour montrer leur colère et leurs revendications, les ouvriers détruisent ce qui est la cause de leurs maux, c'est-à-dire les machines. Ce qu’ils désirent ce n’est pas encore la chute du système bourgeois mais plutôt une certaine « qualité » du travail. « Ils cherchent à reconquérir la position disparue de l’ouvrier du Moyen-âge ». Rappelons que nous sommes au début de l’ère capitaliste et par conséquent, le prolétaire n’a pas de conscience communiste ni même une connaissance, ne serait-ce que partielle, du système capitaliste. Par conséquent, voyant ses conditions de travail se détériorer, les ouvriers veulent revenir à des meilleures conditions connues : les conditions du « Moyen-âge ». Effectivement, comme nous l’avons vu, les avantages du capitalisme ne touchent pas le prolétariat et donc le prolétariat ne voit aucun avantage dans ce nouveau système, bien au contraire, il ne fait que subir les désavantages. Logiquement, les ouvriers cherchent à reconquérir l’impossible : leur condition disparue du « Moyen-âge ». Pour reconquérir ces conditions disparues, les ouvriers cherchent à éliminer tout ce qui n’existait pas pendant le système monarchique. Rappelons que ce que Marx appelle ici péjorativement « Moyen-âge » est en réalité ce que nous appelons aujourd’hui le système monarchique. Ils détruisent donc les marchandises étrangères, directement issues des grandes découvertes (dont nous avons parlé précédemment), ils brisent les machines qui ont modifié et empiré leurs conditions de travail, mais aussi qui leur font concurrence et enfin ils mettent le feu aux usines qui sont nées en même temps que le nouveau système. Les ouvriers veulent revenir à des conditions plus dignes.

Cette description des révoltes des ouvriers par Marx n’est pas issue d’un raisonnement logique a priori ou spéculatif mais plutôt des faits historiques de son époque qui firent grand bruit dans les milieux des intellectuels allemands démocrates et révolutionnaires. C’est d’ailleurs ces faits et leur interprétation qui brouillèrent Karl Marx et Arnold Ruge. A.Ruge est un philosophe de la gauche Hégélienne qui lança en collaboration avec Marx en 1843 les Annales franco-allemandes. La raison de leur discorde est le sens de la révolte des tisserands en Silésie. Ruge publia le 27 Juillet 1844 à Paris dans le journal Allemand Vorwärts, un article, le roi de Prusse et la réforme sociale, sur cette révolte des tisserands. Ruge relatait le fait que la révolte des tisserands n’avait rien de révolutionnaire tant que l’origine de leur révolte n’était rien d’autre que matérielle et qu’elle restait coupée d’un mouvement politique. Marx répondit à Ruge dans le même journal le 7 et 10 août 1844 dans l’article « Gloses critique en marge de l’article « le roi de Prusse et la réforme sociale. Par un Prussien. ». Marx affirma ainsi contre Ruge l’importance des révoltes sociales face à la superficielle révolution politique. Cette dernière est qualifiée de superficielle car elle ne peut exister sans révolte sociale et sans un intérêt matériel évident. Seule une révolte sociale et pour du matériel sera capable de créer le rôle, la conscience de soi et l’action du prolétariat révolutionnaire et non pour des idéaux. C’est pourquoi nous pouvons voir que Marx part, dans le manifeste du Parti communiste1, de ces révoltes sociales. Et ces révoltes ne sont en aucun lieu de simples spéculations, à la différent de Locke ou de Rousseau avec leur « homme à l’état de nature », mais des faits historique avérés. Le point de départ du communiste est dans la véracité de ces révoltes prolétariennes mais ceci n’est qu’un début, voyons maintenant les prochains stades de l’évolution du prolétariat en masse révolutionnaire.  


« A ce stade les ouvriers constituent une masse disséminée à travers tout le pays et émiettée par la concurrence. S’il leur arrive de former une masse cohérente, ce n’est pas encore là le résultat de leur propre union, mais celle de la bourgeoisie qui, pour atteindre ses fins politiques propres, doit mobiliser le prolétariat tout entier et est encore pour un temps capable de le faire. […] Chaque victoire remportée dans ces conditions est une victoire de la bourgeoisie. […] Les intérêts, les conditions d’existence au sein du prolétariat tendent à devenir les mêmes à mesure que les machines effacent de plus en plus les différences dans le travail et réduisent presque partout le salaire à un niveau également bas.»

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998 p.84


D’abord, les prolétaires ne forment, à ce stade de développement, qu’une « masse disséminée » et « émiettée » par la concurrence et le manque d’organisation. Effectivement, la bourgeoisie fait pression sur les ouvriers en exerçant une concurrence entre les ouvriers eux mêmes. La concurrence vient du fait qu’il existe plus d’ouvriers que de travail ouvrier. Ceux qui ne trouvent pas de travail tombent alors dans le paupérisme, comme nous l’avons vu précédemment. Les ouvriers sont alors en concurrence les uns avec les autres pour pouvoir vivre et cette compétition, qui a pour enjeux la survie, est des plus féroces. Ceci entraîne nécessairement des animosités entre ces hommes. Leur union est alors impossible. De plus le fait qu’il y ait plus d’ouvriers que de travail permet au patron de se séparer des ouvriers qui seraient trop « révolutionnaires » ou qui auraient tendance à y rendre les autres ouvriers. La peur s’installe alors au sein des prolétaires à cause de la concurrence. De plus la concurrence entre les entreprises d’un même secteur activité entraîne aussi des discordes entre les prolétaires de ces entreprises, comme nous l’avons déjà vu. Les ouvriers de l’entreprise qui n’est pas concurrentielle perdent alors leur emploi. Leur union est alors encore plus compliquée et si elle est possible, elle reste précaire.

Ceci explique le fait que si les ouvriers forment une masse cohérente, ce ne peut être que grâce à la bourgeoisie. Les différents entre les ouvriers les poussent à se désunir naturellement. Il est impossible pour eux de former une masse cohérente car d’abord ils n’ont pas les moyens de se rassembler (par des tracts, affiches ou même par des syndicats) et ensuite car il y a de fortes tensions entre les ouvriers dues, comme nous venons de la voir. Cependant ils leur arrivent, de fait, de former des masses cohérentes et ceci grâce à la bourgeoisie qui a besoin d’eux pour assoir son pouvoir. Ce point est ce que nous avons développé dans la précédente partie sur « les armes du prolétariat ». En effet, la bourgeoisie a un besoin constant de faire appel au prolétariat car à ce moment de l’histoire, la bourgeoisie n’avait pas totalement renversé la monarchie et l’aristocratie. Elle devrait alors obtenir l’appui des prolétaires d’abord en cas de conflit armé et ensuite pour pouvoir légitimant réclamer le pouvoir au nom du peuple entier. Tous les bourgeois, qui ont déjà acquis une conscience politique, partagent les mêmes intérêts et ils n’ont pas de concurrence politique entre eux. Leur union est alors évidente et leur force en est d’autant plus grande. De plus, ils ont les moyens financiers et politiques pour assurer de la propagande en masse en vue d’un ralliement massif. Bref seule la bourgeoisie possède les moyens politiques et financiers pour faire des prolétaires une masse unie et cohérente. Chaque victoire remportée dans ces conditions est une victoire de la bourgeoisie car c’est la bourgeoisie elle-même qui permet au prolétariat d’avoir une force politique et ceci dans l’objectif de servir seulement son propre intérêt. Les prolétaires ont un poids politique seulement grâce à l’appui politique et financier de la bourgeoisie. Or la bourgeoisie ne donne cet appui que si le prolétariat agit dans son intérêt. C’est pourquoi une victoire du prolétariat dans ces conditions est une victoire de la bourgeoisie.

Cependant, au fur et à mesure des victoires de la bourgeoisie et que le règne du capitalisme approche, les prolétaires tendent nécessairement à une union. La bourgeoisie, qui exploite les prolétaires, détruit les différences entre les prolétaires même. Par le biais de la division du travail et pour obtenir des dépenses moins élevées, la bourgeoisie supprime les travaux ouvriers complexes qui demandaient un savoir faire. Ainsi elle supprime les ouvriers qualifiés pour des machines qui sont beaucoup plus fiables, beaucoup moins chères sur le long terme et qui ne se rebellent jamais. C’est grâce a se remplacement par des machines que les différences sur le travail des ouvriers disparaissent. Ils ne restent plus que des travaux qui ne demandent pas de savoir faire en particulier et donc des travaux qui ne demandent pas d’ouvrier qualifié. Tous les ouvriers possèdent un statut également bas et sont facilement interchangeables. Pour la bourgeoisie la concurrence entre les ouvriers semble alors globale et les salaires sont alors plus ou moins également bas car tous les travaux demandés sont plus ou moins simples. Par ces procédés, la bourgeoisie brise malgré tout la concurrence entre les ouvriers car bien que n’importe quel ouvrier puisse faire n’importe quel travail, les préoccupations sur le savoir et les conditions de travail touchent tous les ouvriers d’une entreprise et même tous les ouvriers dans tous les secteurs d’activité industrialisés. Ils peuvent alors s’unir car leurs conditions d’exploitation sont universelles. Tous les ouvriers sont alors concernés lors d’une grogne sociale dans une entreprise car tous subissent les mêmes sévices. L’union entre les ouvriers devient alors possible car tous les prolétaires partagent le même intérêt.


« Les conflits individuels entre ouvriers et bourgeois revêtent de plus en plus le caractère de conflits entre deux classes. Les ouvriers commencent par former des coalitions contre les bourgeois ; ils s’associent pour défendre leur salaire. Ils fondent même des associations permanentes pour être pourvus en cas de révolte éventuelle. Par endroit, la lutte éclate en émeutes. »

Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998, p.84-85


Les ouvriers commencent à former des coalitions. Les revendications des ouvriers « rebelles » touchent de plus en plus d’ouvriers car les différences entre les travailleurs au sein des entreprises diminuent. Les revendications exigées par les ouvriers « rebelles » sont comprises et suivies par une grande partie des ouvriers car ces ouvriers partagent les mêmes problèmes. Les ouvriers forment alors de petits groupes qui, au fur et à mesure, s’organisent et deviennent des coalitions, c'est-à-dire une alliance momentanée d’individus pour faire front commun contre un même adversaire. Les conflits au sein d’une entreprise prennent alors des similitudes avec des conflits entre deux classes. Autrement dit, plusieurs individus ayant le même intérêt politique luttent ensemble et contre l’adversaire pour lui imposer une situation sociale et économique qui serait défavorable. D’un coté, les ouvriers d’une entreprise rassemblés en petits groupes ont tous une même et unique revendication et cette revendication est directement issue de leur position sociale ; à savoir, les ouvriers d’une entreprise demandent une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail. Autrement dit, ils cherchent à imposer à leur patron une meilleure situation sociale et économique. D’un autre coté, le bourgeois, qui est à la tête de l’entreprise, cherche à maximiser ses gains. Or augmenter les salaires des ouvriers ou améliorer leurs conditions de travail entraîneraient une hausse évidente des dépenses. Donc le patron cherche toujours à avoir des salaires les moins hauts possibles pour ses ouvriers et des conditions de travail les moins chères et les plus rentables. Autrement dit, il cherche à améliorer sa condition économique. Les conflits entre les ouvriers et les patrons sont alors similaires à des conflits entre deux classes. Le stade suivant de l’évolution du prolétariat révolutionnaire réside dans sa prise en charge autour de ce que nous appellerons aujourd’hui des syndicats. Comme le dit Marx : « Ils fondent même des associations permanentes pour être pourvus en cas de révolte éventuelle. ». Les associations permanentes ont pour objectif de défendre en permanence les ouvriers face aux patrons. Ils organisent les ouvriers dans la contestation pour qu’ils obtiennent leur revendication, même s’il faut faire grève dans la durée. Effectivement, si les ouvriers se révoltent, c'est-à-dire arrêtent le travail et manifestent leur mécontentement, ils ne reçoivent pas de salaire. Or le prolétaire étant celui qui doit vendre sa force de travail pour vivre, s’il ne peut pas ou ne veut pas la vendre alors il ne peut pas vivre. C’est pourquoi pour assurer un large et long mouvement de protestation, il faut être organisé et avoir un font commun pour être « pourvus en cas de révolte éventuelle ». Ces associations sont la naissance des syndicats car les syndicats sont, par définition, une association permanente de personnes qui ont pour but de défendre les intérêts professionnels et économiques de ses membres. Le mouvement prend alors, à ce moment précis de l’histoire, une dimension politique. Nous allons alors voir maintenant comment le prolétariat se développe dans le domaine de la politique afin d’aboutir à un prolétariat révolutionnaire.

Nous allons voir maintenant un passage de Marx qui résume parfaitement l’intérêt de cette évolution pratique, ainsi que les points centraux de cette évolution :


« Ce n’est pas en vain qu’il passe par la rude mais fortifiante école du travail. Peu importe ce que tel ou tel prolétaire, ou même prolétariat tout entier imagine momentanément comme but. Seul importe ce qu’il est et ce qu’il sera historiquement contraint de faire en conformité de cet être. »

La Sainte Famille La Sainte Famille ou critique de la critique critique,

Paris, Gallimard La Pléiade, 1982 p.460


Comme le souligne Marx, le travail fait partie intégrante de l’évolution du prolétariat. Cette école du travail est justement le processus historique décrit précédemment. Le travail du prolétariat est, de par sa nature, rude mais c’est parce qu’il est rude qu’il est fortifiant. En effet, le travail rude signifie qu’il se pose face au prolétaire et qu’il lui pose de réelles difficultés. Ce travail donne du mal aux ouvriers qui doivent le supporter et qui donc leur impose un effort qui les consume. Mais en demandant un tel effort à l’ouvrier, il use directement son être dans ce travail. De plus, rappelons le, dans un travail dont l’objet n’appartient pas à l’ouvrier et où son salaire n’a aucune relation avec cet objet. A travers ce travail rude, l’ouvrier prend conscience de son aliénation et il commence à revendiquer ces biens, c'est-à-dire il demande à avoir les fruits du travail qui l’a consumé. Imaginons un travail facile pour les ouvriers, alors celui-ci ne lui pose aucune difficulté et il ne s’engage que très peu dans ce travail (si ce n’est qu’en temps de vie). Par conséquent, le faible travail qu’il obtient possède une certaine juste proportion avec son faible salaire. Mais s’il travaille dur et que ce travail lui demande un lourd effort alors il y a une disproportion avec son faible salaire. Un sentiment d’injustice naît naturellement et la grogne commence à monter. Le travail rude joue alors un rôle primordial dans l’évolution de la conscience du prolétariat.

Nous devons retenir aussi que peu importe l’objet des revendications tout comme peut importe ce que le prolétaire imagine (et Marx souligne ce terme) comme étant son but. Les revendications et les actions faites par les prolétaires jouent un rôle médian car ce qui est recherché ici est l’union de la somme totale des prolétaires autour d’un même sujet. Sujet qui doit nécessairement s’opposer à la classe bourgeoise. Il faut se souvenir que le but de Marx est, ici, de comprendre et de réaliser une révolution. Pour ce faire, nous devons obtenir un prolétariat élevé au rang de classe universelle. Ce rang, il ne peut l’atteindre que dans la révolution comme nous l’avons déjà vu. Alors, avant cela, peut importe ce que les prolétaires pensent car le but est qu’ils s’unissent tous autour de n’importe quelle cause tant qu’elle en opposition à la classe bourgeoise. L’objet de l’union est secondaire par rapport à l’union elle-même. Marx élabore cette théorie de l’imaginaire du prolétariat car il part du constat évident qu’il est impossible de convaincre l’ensemble des prolétaires de la nécessité de leur union, puis de la révolution. En effet d’abord leur nombre est trop grand pour une telle sophistique et ensuite car il y a probablement une grande partie des prolétaires qui ne serait pas capable de comprendre l’argumentation marxiste (car ils sont trop prit dans les problèmes de la vie courante ou car qu’ils sont plus ou moins limités intellectuellement). Cependant les revendications, qui touchent directement leur vie de tous les jours et changent, dans la pratique, leur vie, sont capables de mobiliser une bonne partie des prolétaires car ils voient alors directement un possible changement de leur condition d’être aliéné. Mais il ne faut jamais perdre à l’idée que ces revendications ne sont qu’un moyen pour manipuler le prolétariat. La question est alors de savoir qui manipule le prolétariat si ce n’est lui-même? Peut être ceux qui ont compris l’intérêt de la révolution et du communisme ? Nous aurions alors donc ici deux genres de populations dans le prolétariat. Ceux qui sont pensants et ceux qui sont ignorants des réelles causes et manipulés pour leur bien. Ceci rappelle étrangement l’Epicurisme et les différentes catégories intellectuelles de cette philosophie. A savoir, ceux qui sont juste bons pour apprendre les maximes par cœur et ceux qui peuvent comprendre pourquoi ces maximes sont bonnes. Chez Marx, il y a une idée comme celle-ci par rapport à la place qu’il donne aux revendications, mais tous les prolétaires tendent tout de même vers le même but : la révolution. Ceux qui manipulent le prolétariat, par les revendications, ne le feraient que pour le bien de tous les prolétaires, c'est-à-dire que pour que le prolétariat prenne le pourvoir.

Ce qui est important est donc ce que le prolétaire est et ce qu’il est contraint de faire, c'est-à-dire qu’étant donné que le prolétaire est un être aliéner, il est poussé à la révolution. Voilà ce qui est important pour Marx. Nous avons déjà développé cette partie mais ce que nous devons retenir ici est que le seul point qui est important pour Marx est la révolution et peu importe les moyens pour y arriver. En ce sens, il est machiavélique car Marx dit clairement qu’il faut s’adapter aux situations, c'est-à-dire aux diverses revendications des prolétaires dans leurs diverses spécialités. A partir de ces situations il faut pousser les prolétaires vers une union, une organisation, puis vers une révolution. C’est en cela que repose le fondement même de la révolution et donc du communisme.





















1 Manifeste du Parti communiste, Paris GF Flammarion, 1998