« Il s’ensuit également que toute classe aspirant à la domination […] doit d’abord conquérir le pouvoir politique pour présenter, à son tour, son intérêt propre comme l’intérêt général, ce à quoi elle est obligée dans le premier temps. »
Idéologie Allemande, Feuerbach, Paris Nathan, 2007 p.56
D’abord, il est nécessaire que toute classe qui veut la domination doive passer par la conquête du pouvoir politique. Le pouvoir politique est, par définition, l’ensemble des moyens exercés sur une société pour lui faire prendre la forme désirée par celui qui exerce ce pouvoir. Or pour que le prolétariat se libère, il doit changer les moyens de production de la société car ce sont ces moyens de productions qui sont la cause de son aliénation. Mais pour changer ces moyens de production, il doit nécessairement changer la société car, comme nous l’avons vu précédemment, les moyens de production sont issus directement de la nécessité du capitalisme dans les circonstances historiques antérieures. De plus les moyens de production étant détenus dans les mains de la classe sociale dominante, le prolétariat doit pouvoir lui arracher des mains pour pouvoir les transformer. Or pour pouvoir lui prendre des mains, il doit nécessairement exercer sa domination sur lui, c'est-à-dire contraindre la classe possédante à lui céder ses moyens de production. De plus pour pouvoir exercer une domination, ou quelconque pression sur une classe sociale, c'est-à-dire sur une partie de la société, il faut nécessairement acquérir ce pouvoir politique.
Ensuite, nous pouvons voir que Marx déclare que ce pouvoir politique sera utile « pour présenter, à son tour, son intérêt propre comme l’intérêt général ». Il ne veut ici rien signifier d’autre que le fait d’établir un Etat au service du prolétariat. Effectivement, comme le déclare, à son tour, très clairement Engels dans son livre, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique Allemande1, écrit en 1886 :
« La société se crée un organisme en vue de la défense de ses intérêts communs contre les attaques intérieures et extérieures. Cet organisme est le pouvoir d’Etat. A peine né, il se rend indépendant de la société, et cela d’autant plus qu’il devient d’avantage l’organisme d’une certaine classe, qu’il fait prévaloir directement la domination sur cette classe. »
La naissance d’un Etat, c'est-à-dire la naissance d’un organisme politique et juridique, se fait nécessairement par une envie de rassemblement afin de défendre les intérêts communs de l’ensemble d’une communauté. La société n’est effectivement rien d’autre qu’une somme de personnes rassemblées en un Etat. Ceci est le processus classique et originel de la création d’un état, comme nous l’a appris Rousseau dans le Contrat Social2. Ce n’est seulement qu’au début qu’il faut toujours que la totalité d’une population veuille vivre sous les mêmes lois, la même politique et partager les mêmes intérêts. Engel nous apprend ensuite qu’à peine né, il se rend indépendant de la société, c'est-à-dire que l’état ne va pas servir l’intérêt de toute la population mais seulement l’intérêt d’une certaine catégorie de la population : la classe sociale qui est dominante. Une classe étant une catégorie sociale qui rassemble les gens ayant les mêmes intérêts politiques et économiques. L’intérêt commun qui est à l’origine de l’état se transforme en plusieurs intérêts mais seul l’intérêt d’une certaine classe peut être appliqué (puisque les différents intérêts des différentes classes sont différents car opposés). C’est en ce sens que Marx dit que le prolétariat présente « à son tour, son intérêt propre comme l’intérêt général ». L’intérêt commun se transforme en intérêt d’une certaine classe. Ceci car le pouvoir de l’état ne peut être pratiqué que par un certain nombre d’hommes. Or ces hommes ont soit acquis le pourvoir par la force et donc il représente leur intérêt et les intérêts de ceux qui les partagent, soit ils l’ont acquis par le vote démocratique et alors il représente les intérêts de ceux qui ont voté pour eux. Par conséquent l’état représente toujours des intérêts particuliers : ceux des hommes qui sont à la tête. Mais ces intérêts particuliers sont précisément les intérêts qui différencient les différents types de classes. Par conséquent, les intérêts particuliers défendus par l’Etat ne sont rien d’autre que les intérêts d’une certaine classe sociale. Par conséquent pour que l’Etat prenne en compte les intérêts du prolétariat, ce dernier doit alors nécessairement, dans un premier temps, acquérir le pouvoir politique.
« A l’heure présente, les rapports bourgeois de propriété sont maintenus par le pouvoir d’Etat que la bourgeois a organisé pour la défense de ses rapports de propriété. Les prolétaires doivent, par conséquent, renverser la puissance politique partout où elle est déjà aux mains des bourgeois. Il faut qu’ils deviennent eux même la puissance, et d’abord la puissance révolutionnaire. »
Capitalisme et révolution, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1982 p.753
Le pouvoir de l’Etat est, comme nous venons de le voir, l’organisme au service d’une certaine classe. Or dans le système capitaliste, le pouvoir de l’Etat est logiquement au service de la classe bourgeoise puisque leur intérêt se retrouve dans le capitalisme. Par conséquent, le pouvoir de l’Etat a pour objectif de protéger et défendre les intérêts de la bourgeoisie. Les prolétaires doivent donc concrètement rependre le pouvoir de l’Etat à la bourgeoisie pour imposer leur propre intérêt. Le pouvoir politique étant le seul moyen de transformer les moyens de production, le prolétariat doit s’emparer de celui-ci pour non seulement arrêter sa propre aliénation mais aussi pour transformer ces moyens de production. Les prolétaires doivent alors devenir une puissance en ce sens où ils doivent acquérir le pouvoir politique et ainsi devenir la classe dominante. Cependant avant cela, le prolétariat doit d’abord devenir une force révolutionnaire. La force révolutionnaire est la somme cumulée des forces actives pour renverser le pouvoir établi. Plus cette somme de forces est grande et plus la force révolutionnaire est réelle. Mais avant de développer plus en détaille la nécessité révolutionnaire du prolétariat, nous allons voir pourquoi le prolétariat ne peut pas prendre une forme d’expression politique.
D’abord nous pouvons écarter la voix de la démocratie pour la conquête du pouvoir politique du prolétariat. Le terme « démocratie » vient du grec « dêmokratia » où « dêmos » signifie le peuple et « kratien », gouverner. Par conséquent la démocratie est le gouvernement par le peuple, ou plus exactement par les citoyens. Les citoyens sont toujours une partie particulière du peuple définie selon les termes de la loi. Ainsi les citoyens se constituent soit seulement d’une partie de l’élite, soit de l’ensemble des classes sociales selon certains critères particuliers (âge, sexe, etc..). Dans le premier cas, nous pouvons nous appuyer sur le modèle de la démocratie antique ou sur l’émergence du capitalisme. Dans les cités antiques comme par exemple celle d’Athènes, tous les citoyens pouvaient prendre la parole et prendre part aux votes à l’Agora3. Cependant la définition des citoyens était réduite aux personnalités Athéniennes, de sexe masculin et leur pouvoir politique était relatif à leurs puissances matérielles. Les femmes, les enfants, les esclaves, les pauvres et les métèques étaient alors exclus soit de droit, soit de fait, de la démocratie. Quant à l’émergence du capitalisme, moment même où Marx écrit, la forme démocratique émerge seulement dans la mesure où la bourgeoisie trouve dans la démocratie la légitimité de sa prise de pouvoir et où elle se voit nécessairement prendre en mains les affaires politiques, comme nous l’avons déjà vu. Le système de partage du pouvoir n’est réalisé qu’entre la classe bourgeoise et la monarchie. Le prolétariat, qui n’a pas de conscience politique, n’a alors pas accès au pouvoir. Lorsque son vote est demandé, ce n’est que pour aider l’une des deux parties à vaincre l’autre, mais aucune puissance politique ne représente concrètement les intérêts du prolétariat. Il faut donc remarquer que dans ces circonstances historiques précises, Marx ne peut logiquement envisager une action démocratique pour le prolétariat. La voie démocratique semblant impossible, la révolution semble la seule possibilité envisageable, pour Marx.
Cependant envisageons maintenant le fait que la démocratie soit accessible à toutes les classes sociales de la société, c'est-à-dire que la classe du prolétariat possède une instance politique qui représente ses intérêts. La classe prolétarienne ne peut alors logiquement aspirer à la domination de façon durable et elle ne peut même pas espérer changer les moyens de production de façon définitive. Si nous prenons les exemples actuels de démocratie communiste, comme le Venezuela et son président Hugo Chavez, ce dernier n’a pu que rendre publique qu’une partie des entreprises étrangères (notamment pétrolière). H.Chavez a cherché à modifier la constitution du Venezuela pour pouvoir se représenter aux élections et continuer son entreprise. Mais ceci rentre directement en conflit avec les principes démocratiques. Effectivement la démocratie, dite moderne, mélange une forme de démocratie représentative et une forme de démocratie directe. Autrement dit le pouvoir est exercé par des représentants élus par la majorité par défaut et pour un certain temps ou parfois exceptionnellement directement par le peuple lors de vote par référendum4. Les représentants sont élus par la majorité par défaut car ce n’est qu’au second tour, après l’élimination de plusieurs candidats, que les représentants sont élus. Les représentants ne sont élus que pour un certain temps afin que la volonté du peuple soit en concordance avec ses représentants. Effectivement si le peuple n’est pas satisfait de ses représentants, hormis le fait de faire des manifestations massives, il doit pouvoir en changer régulièrement. De plus les représentants du peuple, notamment aux fonctions les plus hautes de l’Etat, ne peuvent être élus qu’un certain nombre de fois et ce afin d’éviter la corruption et l’omniprésence d’une personnalité et de son idéologie. Par conséquent, la domination du prolétariat, à condition que celui-ci soit élu, ne peut se faire que momentanément. Le changement des moyens de production n’est que momentané. De plus la privation des moyens de production aux mains de la classe bourgeoise ne peut être tolérée par cette dernière qui se rebellera nécessairement. Effectivement le changement des moyens de production signifie d’abord rendre publiques ces moyens, c'est-à-dire que l’Etat soit le propriétaire des entreprises. En effet l’objectif est que les ouvriers travaillent pour eux-mêmes ou autrement dit pour l’Etat, dans la mesure où l’Etat communiste n’est que la somme des ouvriers rassemblés en force politique. Mais la bourgeoisie ne peut se laisser faire passivement car en privatisant les moyens de production des mains de la bourgeoisie, l’Etat la prive aussi de ses revenus et donc il la prive de ses richesses et de ses privilèges. L’Etat les fait tomber dans le prolétariat. La révolution est alors encore une fois inévitable car la classe bourgeoise s’opposera de toutes ses forces à la classe prolétarienne, même si celle-ci est élue démocratiquement. La classe prolétarienne n’a alors pas d’autre moyen que la révolution pour prendre le pouvoir et devenir une classe dominante. Les autres formes de politique sont incompatibles avec l’essence même d’un Etat communiste, qui est un système nouveaux à part entière au même rand que la démocratie, la tyrannie, la monarchie, l’anarchie etc.
« 3° […] s’en prenant au mode traditionnel des activités, la révolution communiste élimine le travail et abolit la domination de toutes les classes en abolissant les classes elles-mêmes, parce que cette révolution est accomplie par la classe qui, dans la société, n’est plus considérée, comme une classe […] et qui, dés à présent, est l’expression de la dissolution de toutes les classes, de toutes les nationalités etc.. au sein de la société actuelle. »
Idéologique Allemande, Feuerbach, Paris Nathan, 2007. p.62
D’abord, la révolution communiste, selon Marx, permet l’élimination du travail. Nous devons remarquer que la révolution est qualifiée de communiste par Marx car les conséquences décrites sont seulement issues d’une révolution de la classe du prolétariat en vue de son émancipation. L’émancipation est, par définition, la libération d’une personne ou d’une classe de la domination qu’elle subit. L’émancipation du prolétariat permet alors l’élimination du travail, mais seulement du travail aliéné. Effectivement, l’objectif du prolétariat est d’obtenir son émancipation et donc de changer les moyens de production par lesquels la bourgeoisie domine le prolétariat. La révolution communiste abolie alors le travail seulement dans la mesure où le travail est la tache qui consiste à vendre sa force pour vivre. L’abolition du travail signifie donc l’arrêt de l’exploitation du prolétariat par la bourgeoisie ou autrement dit l’arrêt de la marchandisation du corps humain. De plus ceci signifie aussi la privation des moyens de production des mains de la classe dominante au profit de l’Etat, c'est-à-dire au profit de la classe prolétarienne organisée en parti politique. La révolution communiste a donc pour objectif, comme nous venons de le voir, l’acquisition du pouvoir politique. Par l’acquisition du pouvoir politique, le prolétariat devient la classe dominante, c'est-à-dire qu’elle concentre entre ses mains les fonctions directives de la société. Elle peut donc abolir ce qui l’a poussée à la rébellion, c'est-à-dire le travail aliéné, en privant la bourgeoisie de moyens de production et donc en abolissant le travail.
Ensuite, le second intérêt de la révolution communiste est le fait qu’elle permette l’abolition de la domination de toutes les classes puisque par cette révolution la classe dominante est une classe qui n’en est plus une. Marx affirme que la classe du prolétariat n’est pas une classe à proprement parlé. Une classe sociale se définit toujours en relation avec les classes qui la dominent ou celles qu’elle domine. Mais le prolétariat est une classe sociale qui n’en domine aucune. La classe du prolétariat est la classe sociale la plus basse. Nous avons certes parlé précédemment des paupers, ou autrement dit du lumpenprolétariat, mais ils ne sont qu’une situation précise des prolétaires. Par conséquent, lorsque les prolétaires font la révolution et prennent le pouvoir, ils renversent la bourgeoisie et les privent de leurs moyens de production. Or la bourgeoisie est par définition la classe qui possède les moyens de production. Alors sans ces moyens de production, la bourgeoisie n’a alors pas de possibilité de revenu et donc, elle tombe dans la classe du prolétariat, c'est-à-dire dans la classe de ceux qui doivent travailler pour vivre. La révolution du prolétariat anéantit donc la distinction avec la classe bourgeoise. Quant à la classe moyenne, celle-ci se distingue du prolétariat seulement par le fait qu’elle peut profiter des moyens de consommation du capitalisme. Mais comme le prolétariat, la classe moyenne doit travailler pour vivre. Les distinctions entre les classes disparaissent. Toutes les distinctions des classes sont alors supprimées car ce qui permettait de différencier les classes a été transformé.
Enfin, le prolétariat est donc l’expression de la dissolution de toutes les classes, mais aussi de toutes les nationalités, etc. Dans la mesure où le prolétariat dissout nécessairement les distinctions des classes lors d’une révolution, il devient alors l’expression de cette dissolution, c'est-à-dire que cette dislocation fait partie de son essence révolutionnaire. Autrement dit, la nature profonde du prolétariat révolutionnaire est la destruction de toutes les classes puisque par la révolution, les distinctions des classes sont anéanties nécessairement par l’anéantissement des anciens moyens de production. La classe du prolétariat devient aussi l’expression de la destruction de toute distinction, en général (comme le laisse à penser Marx par le « etc. »). Dans le prolétariat en général suppriment toutes les distinctions car le prolétariat devient universel car ce qui qualifie le prolétariat en général se retrouve dans les pays capitaliste. Ils sont unis par l’aliénation que leur fait subir ce capitalisme et grâce à la souffrance qu’il partage. C’est seulement en ce sens que le prolétariat est une classe universelle. Les distinctions sociales sont alors disloquées car la classe de l’universelle englobe en son sein toutes les distinctions possibles et dans le cas contraire elle anéantie ceux qu’elle ne peut englober. Les distinctions sociales n’ont plus lieu d’être car elles ne peuvent pas se regrouper dans des catégories sociales différentes de celle de l’universelle. Toutes les distinctions sont partagées dans le prolétariat.
Cependant Marx ne décrit ici que les bénéfices de l’issue d’une révolution communiste. Avant que cela ne se produise, il faut produire une conscience communiste, c'est-à-dire qu’il faut que le prolétariat est conscience et soit motivé par les objectifs révolutionnaires. Effectivement, bien que le prolétariat soit aliéné par le travail capitaliste et poussé à la révolution à cause de cela, rien n’indique qu’il réalise le projet communiste, c'est-à-dire que rien n’indique qu’il va priver la bourgeoisie de ses moyens de production et qu’il va renverser définitivement le règne de la bourgeoisie. Les années précédentes nous ont clairement montrés que les divers soulèvements n’aboutissaient pas à la destruction des distinctions des classes, mais plutôt à des listes de revendications syndicales (bien que ces revendications aient souvent pour objectif de réduire les écarts). La question est alors de savoir comment aboutir à la conscience communiste car c’est seulement cette conscience communiste qui peut faire aboutir les luttes sociales en une révolution.
«4° Pour produire massivement cette conscience communiste aussi bien que pour faire triompher la cause elle-même, il faut transformer massivement les hommes, transformation qui ne peut s’accomplir que dans un mouvement pratique, dans une révolution. La révolution est donc nécessaire, non seulement parce qu’il est impossible de renverser autrement la classe dominante, mais encore parce que seule une révolution permet à la classe qui renverse de balayer la vieille saleté, et de devenir capable de fonder la société sur des bases nouvelles. »
Idéologie Allemande, Feuerbach, Paris Nathan, 2007. p.62
Comme nous l’avons vu, la conscience communiste est le fait que la majorité des prolétaires désire la révolution pour remplacer le capitalisme par le communisme. Afin de comprendre cette conscience communisme, nous devons comprendre ce qu’entend Marx par communisme. Le communisme est ici pour Marx le mouvement réel théorique et pratique de la société existante. Le communisme est alors le mouvement qui repose sur l’aliénation universelle du prolétariat qui s’élève en classe universelle et renverse le pouvoir en place. Par conséquent la conscience communiste est donc le moment où le prolétariat se représente sa propre existence d’être aliéné et est poussé à renverser le pouvoir établi pour se libérer. Le triomphe de la cause elle-même est alors les actions pratiques réalisées par le prolétariat pour aboutir à son émancipation, c'est-à-dire entre autre la destruction des moyens de production privée. Cette conscience communiste ne peut venir que d’une transformation massive des hommes car ils n’ont, de fait, pas atteint cette conscience. Nous allons voir prochainement les différents stades d’évolution de la conscience des prolétaires.
La transformation massive des hommes ne peut se réaliser que par la révolution. Ainsi le confirme-t-il dans les thèses 3 des thèses du Feuerbach5, mais aussi un peu plus loin dans l’Idéologique allemande6, page 1182 : « Dans l’activité révolutionnaire, la transformation de soi-même coïncide avec la transformation des circonstances extérieures. ». La révolution est le moment pratique où les prolétaires se sont réunis pour détruire l’instrument de leur aliénation. Par conséquent, la révolution est la preuve empirique que la conscience communiste est encrée dans les esprits des prolétaires. Cette conscience communiste est accentuée par la révolution elle-même car les circonstances de la révolution modifient nécessairement la conscience des hommes. En effet les visions et les actions des hommes changent car leurs possibilités sont constamment bouleversées par les changements de situation. Les hommes ne peuvent agir que dans certaines circonstances. Si les circonstances changent alors leurs actions changent également. Les consciences changent aussi nécessairement car un nouvel environnement apparaît à leurs yeux. Ces hommes perçoivent leur propre existence différemment dans le monde qui les entoure, puisque ce monde est lui-même changeant. Lors d’une révolution, comme nous allons le voir plus en détail, les prolétaires, assemblés en une classe universelle, sont guidés par le parti communiste qui dirige et oriente les ouvriers dans leurs actions révolutionnaires. Le monde est alors en pleine transformation et les anciennes circonstances dictées par le capitalisme et le travail aliéné sont remplacées par une nouvelle vision du monde. Le parti communiste imprègne les prolétaires de la conscience communiste grâce à divers outils de propagande, que ce soit la presse révolutionnaire, la chanson ou les diverses assemblées et associations qui se forment dans toutes les régions de tous les pays. La conscience communiste se développe au fur et à mesure que la révolution approche. La révolution est alors la preuve empirique que cette conscience est acquise et que les prochaines étapes de l’évolution du processus communiste sont possibles. En ce sens, la révolution est nécessaire car elle « fonde la société sur des bases nouvelles ».
Effectivement, la création d’un nouvel Etat n’est possible que si l’ensemble des hommes qui le compose décide de s’assembler autour des mêmes règles politiques et juridiques. Ainsi, grâce à cette conscience communiste, la révolution agit comme un type de contrat social où chaque prolétaire décide par l’acte révolutionnaire de s’engager dans la future société communiste. En engageant son esprit, par la conscience communiste, et son corps, dans la révolution, le prolétariat apporte la preuve que le communisme est légitime. Sans ce moment révolutionnaire, le communisme n’a aucune légitimité car si la légitimité d’un président de démocratie est établie par le vote, la légitimité du processus communisme passe par la révolution et le désir des millions de prolétaires. De plus, sans cette conscience, le communisme ne serait qu’une vaste entreprise de libération d’êtres qui ne veulent pas être libérés. La révolution montre que c’est le moment historique où le prolétariat a acquis une certaine maturité. Cette maturité est la conscience de l’aliénation et la nécessité d’en finir avec elle. Sans cette maturité, qui fonde la conscience communiste, le projet communiste n’a aucune légitimité et aucun fondement.
Il est alors nécessaire, dans le processus communiste, de passer par la révolution, mais nous devons maintenant comprendre dans quelles conditions cette révolution peut s’établir
1 Engels Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique Allemande, Paris, Les revues, 1930
2 Rousseau, Du Contrat Social, Paris, GF Flammarion, 2001
3 Agora : Place publique qui servait pour les actes politiques
4 Le peuple répond à une question politique par oui ou par non et cette décision est directement appliquée
5 labica Georges, Karl Marx. Les Thèse sur Feuerbach, Paris, PUF, 1987
6 L’Idéologie Allemande, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1982 p1182