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Titre du blog : La pratique du communisme selon marx
Auteur : lapratiqueducommunisme
Date de création : 17-11-2010
 
posté le 17-11-2010 à 11:09:23

A.2 Quelles sont les raisons de la nécessité de sa chute.

C’est principalement dans le Manifeste du Parti Communiste1, de février 1848 que Marx évoque le plus distinctement les raisons du remplacement du système féodal par le système dit « moderne ». Marx parlera rarement de système capitaliste mais de système « moderne ». Nous allons développer plus tard la définition à proprement dite du capitalisme. Effectivement, Marx écrit pendant le processus de changement du système féodal en système capitaliste et donc le système capitaliste apparaît pour lui comme le nouveau système moderne. Ce n’est qu’à partir de 1902 et avec le livre de Sombart, Le Capitalisme Moderne2, que les termes « capitalisme » et « capitaliste » commencent à se répandre. Cependant Marx commencera déjà a y faire référence dans son livre, Le Capital3. Cependant, lorsque Marx parle de système moderne, il fait bien référence à ce que nous appelons aujourd’hui système capitaliste, comme nous allons cesser de le constater. Mais avant cela, voyons les raisons de la chute du système monarchique pour Marx :


« La découverte de l’Amérique, le tour du cap de Bonne-Espérance ont ouvert à la bourgeoisie montante un champ d’action nouveau. Les marchés des Indes Orientales et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, le commerce avec les colonies, l’accroissement des moyens d’échange et des marchandises en général ont donné au négoce, à la navigation, à l’industrie un essor qu’ils n’avaient jamais connu et entraîné du même coup le développement rapide de l’élément révolutionnaire de la société féodale chancelante ».

Manifeste du Parti Communiste. Paris. Ed. GF Flammarion. Chap. 1, p.74


Comme nous nous pouvons le voir, la première étape du passage de la société féodale à la société moderne est marquée par le début des grandes découvertes et la prolifération du marchandage. Il faut entendre par « les grandes découvertes », les différentes découvertes géographiques qui marquèrent le monde occidental au XVe et au XVIe siècle. Nous pouvons faire référence entre autre à la découverte de l’Amérique par Christophe Colombe en 1492, mais aussi à la découverte de la route des Indes par les portugais en 1510. Cependant ces grandes découvertes ne sont pas en et pour soi le facteur de la chute du système féodal car le fait de connaître plus profondément le monde n’entre pas en contradiction avec le système féodal. Par ailleurs, nous pouvons remarquer que, selon les historiens, le début des grandes découvertes marque la fin de l’époque féodale. Ce sont bien les grandes découvertes, alliées au commerce mondial, qui sont le facteur de la chute du système « féodal »4. Effectivement, le commerce entre deux pays n’est pas tenu par l’aristocratie mais par les petits bourgeois qui ne sont rien d’autre que des commerçants. Ces petits bourgeois, par le biais du commerce, sont devenus alors de « grands » bourgeois qui ont eu de plus en plus de pouvoir sur la scène politique. Grâce à ces découvertes, Ils pouvaient rivaliser en richesse et donc en pouvoir avec les petits aristocrates, puis avec les aristocrates puissants. Cependant, nous devons noter que l’enrichissement de la bourgeoisie s’est fait sur plusieurs années. Le commerce avec les nouveaux pays a donc permis à la bourgeoisie de prendre une place de pouvoir dans le système « féodal » mais de façon progressive. Nous voyons ici se profiler alors pourquoi la bourgeoisie est amenée à renverser nécessairement le système féodal et c’est pourquoi Marx parle des grandes découvertes comme étant l’élément révolutionnaire. Mais à ce moment précis de l’Histoire, le développement de la classe bourgeoise et le système féodal ne sont pas en contradiction et peuvent vivre encore en harmonie. Mais surtout la bourgeoisie n’a pas encore le pouvoir de renverser la monarchie. Il faut effectivement attendre 200ans pour voir se réaliser le processus que je viens de d’écrire.


« La manière féodale ou corporative dont avait jusqu’alors fonctionné l’industrie ne suffisait à couvrir les besoins qui croissaient à mesure que s’ouvraient les marchés nouveaux. La manufacture s’y substitua. Le maître des corps de métier fut supplanté par la classe moyenne industrielle ; la division du travail entre les différentes corporations céda la place à la division du travail au sein des divers ateliers. Mais les marchés grandissaient toujours, les besoins continuaient à s’accroître. La manufacture à son tour ne suffit plus. Alors la vapeur et les machines révolutionnèrent la production industrielle. A la manufacture se substitua la grande industrie moderne. A la classe moyenne industrielle se substituèrent les millionnaires de l’industrie, les chefs d’armées industrielles entières, les bourgeois modernes »

Manifeste du Parti Communiste. Paris. Ed. GF Flammarion. Chap. 1, p.75


Pendant la période de la monarchie, les différentes « industries » se limitent à une poignée d’hommes par entreprise et ils s’apparentent plus à de l’artisanat qu’à une réelle industrie. Effectivement le terme industrie regroupe toutes les activités économiques organisées sur une grande échelle. Par conséquent, les instruments de production « féodaux » ne pouvaient pas obtenir un très fort rendement. En effet, l’industrie sous-entend une certaine division du travail contrairement à l’artisanat où la même personne assure l’ensemble d’un processus de production. Or avec les grandes découvertes et avec la prolifération du commerce, la demande des matériaux et denrées en tout genre que ce soit pour vendre ou pour les marchandises transportées, est si forte que le rendement des divers secteurs d’activités doit être augmenté pour atteindre des « quantités industrielles ». Or, c’est par la division du travail que l’on peut obtenir un rendement plus important. Les industries « féodales », qui n’ont pas suivi la règle de la division du travail, n’ont pas pu être compétitives avec les nouvelles industries. Toutes les industries artisanales deviennent alors de véritables industries ou alors disparaissent. La division du travail consiste à remplacer, pour la fabrication d’un objet unique, le travail d’un unique homme par le travail de plusieurs hommes dans chacun des domaines particuliers à l’objet. Par exemple, pour la fabrication d’un meuble, au lieu d’avoir un homme qui d’abord coupe un arbre, puis scie des planches, ensuite monte les planches et enfin peint le meuble. Nous avons un homme qui coupe l’arbre, puis un autre homme qui scie les planches, etc. La division du travail permet alors un rendement supérieur car elle permet de perfectionner un ouvrier dans un domaine particulier. Au fur et à mesure que l’ouvrier répète le même geste, il augmente sa vitesse de production car il sait parfaitement ce qu’il doit faire. Cela devient un automatisme pour lui et nous pouvons même dire qu’il devient même comme un automate, car il fait son travail avec un minimum de réflexion. Effectivement, répétant toujours la même chose, il supprime la phase de réflexion qui précède ses gestes et fait son travail de manière quasi instinctive, comme une machine. Un homme seul qui est à l’origine de la création d’un meuble, doit réfléchir à l’ensemble des étapes de son travail : la réalisation de chaque étape, l’enchaînement des étapes et l’interaction entre elles. Son travail devient plus complexe et acquérir un automatisme complet relève quasiment de l’impossible. Alors qu’un ouvrier qui a seulement à peindre une planche acquerra des automatismes beaucoup plus rapidement. La division du travail augmente donc considérablement le rendement. Mais à elle seule, la division du travail n’a pas comblé le rendement imposé. Les industries « féodales » ont dû aussi s’agrandir. Au lieu d’avoir une multitude de petites industries, de grosses industries se sont créées. Avec ces grosses industries, se sont développés des bourgeois beaucoup plus riches et plus puissants. La demande de rendement élevé, réclamée par le commerce qui suit les grandes découvertes, a poussé les petites industries à devenir de grandes industries et à changer leurs méthodes de travail pour maximiser leur rendement. Les petits bourgeois qui tenaient les petites industries se sont enrichis proportionnellement à la croissance de leur industrie. Les bourgeois peuvent maintenant rivaliser avec les nobles de l’aristocratie du point de vue de la richesse et donc du pouvoir. Mais le régime monarchique n’est toujours pas ici en contradiction avec la montée en puissance de la bourgeoisie.


« Chacun de ces stades de développement de la bourgeoisie s’accompagna d’un progrès politique correspondant. […] Là où elle est arrivée au pouvoir, la bourgeoisie a détruit tous les rapports féodaux qui unissaient l’homme à ses supérieurs naturels et n’a laissé subsister d’autre lien entre l’homme et l’homme que l’intérêt tout nu, le dur « paiement comptent ». […] En un mot, elle a substitué à l’exploitation que voilaient les illusions religieuses et politiques l’exploitation ouverte, cynique, directe et toute crue. » 

Manifeste du Parti Communiste. Paris. Ed. GF Flammarion. Chap. 1, p.75-76


Comme nous l’avons vu précédemment, jusqu'à présent, les diverses industries répondent parfaitement à la demande du système monarchique. Les industries ont révolutionné le mode de production artisanal en mode de production lié à la division du travail. Jusqu’ici il n’y avait pas de contradiction avec le régime monarchique car c’est le régime monarchique qui produisait et contrôlait la demande. Mais les industries se sont développées jusqu'à leur paroxysme et deviennent alors en concurrence les unes avec les autres. Le terme concurrence vient du terme « concurrere » qui signifie « courir avec ». La concurrence est donc une course et une compétition entre différentes personnes ou entreprises qui poursuivent le même but ou le même avantage. Les industries sont rentrées en concurrence les unes avec les autres car la somme des industries, d’un secteur particulier, produisait trop d’un objet particulier par rapport à la demande de cet objet. Par conséquent chaque industrie est poussée par les autres à se révolutionner en permanence pour devenir la plus intéressante et pour qu’elle puisse vendre son produit. Mais le système monarchique n’est pas adapté à un tel débridage du système commercial. Au contraire il est soumis à des règles très strictes qui suivent entre autre la religion et la politique. Dans le système monarchique, les règles du commerce sont soumises aux règles de « supériorité naturelle » et du monopole. La supériorité naturelle est la croyance que tel individu est supérieur de fait à tel autre individu et donc peut exiger de lui certaines choses. Ainsi tel individu est supérieur « naturellement » à tel autre individu et donc c’est lui qui obtient le monopole. Ceci fausse alors la concurrence car, dans une société monarchique, le supérieur naturel régule la production par rapport à la demande. Mais avec les grandes découvertes, il y a eu un très fort besoin de production, comme nous l’avons déjà vu et donc les industries se sont développées. Les bourgeois se sont enrichis et par conséquent ils ont eu plus de pouvoir. Lorsque les industries sont entrées en concurrence les unes avec les autres, il n’était plus possible de revenir à l’ancien système car les bourgeois, à la tête des industries, ne voulaient pas diminuer leur production car ceci aurait été synonyme de la diminution de richesses. Or Ayant atteint un certain degré de pouvoir, la monarchie ne pouvait plus leur imposer de diminuer leur production. La monarchie est alors en opposition avec le système « moderne » de production et de commerce. L’évolution de la monarchie est alors nécessaire. Le système monarchique a alors dû laisser la place soit progressivement, comme en Angleterre et en Allemagne, soit par une révolution, comme en France, au système bourgeois appelé aussi capitaliste.




« A un certain stade de développement de ces moyens de production et d’échange, les conditions dans lesquelles la société féodale produisait et échangeait, l’organisation féodale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot les rapports de propriété féodaux ne correspondaient plus aux forces productives déjà développées. Ils paralysaient la production au lieu de la faire progresser. Ils se transformèrent en autant d’entraves. Il fallait les faire sauter, on les fit sauter.

Ils furent remplacés par la libre concurrence avec l’organisation sociale et politique appropriée, avec la suprématie économique et politique de la classe bourgeoise. »

Manifeste du Parti Communiste. Paris. Ed. GF Flammarion. Chap. 1, p.80


Le système monarchique ne permet plus à la classe bourgeoise de progresser car les forces productives déjà développées ne correspondent plus au système monarchique. Effectivement, l’organisation féodale de l’agriculture et de la manufacture suit le système de droit féodal. C'est-à-dire qu’en établissant son entreprise sur une propriété appartenant d’embler à la noblesse, il faut alors donner un impôt qui est parfois si important qu’il ne reste plus qu’un cinquième de la production totale. Un tel système est en totale contradiction avec le développement des industries car les industries soumissent à un impôt trop lourd ne peuvent pas concurrencer d’abord les industries des autres régions et ensuite les industries du reste du monde. Ainsi les forces productrices ne correspondent plus au système de droit féodal car les industries pouvaient encore se développer et devenir concurrentielles sur le plan national et même international. Les forces productives englobent tous les moyens de production d’un objet allant de l’ouvrier aux machines. Mais, si l’impôt de leur région est trop lourd, elles ne peuvent pas être compétitives par rapport aux autres régions et donc une autre industrie aurait été choisie. Elles sont donc condamnées à ne plus se développer. Ainsi, le développement de l’entreprise a entraîné une force productive telle qu’elle peut produire une grande quantité d’objets, mais elle ne pouvait pas se développer plus car elle n’était pas compétitive par rapport aux autres régions et aux autres pays. Elle ne peut donc pas vendre plus de produits. Ainsi les rapports de propriétés féodaux sont une entrave au développement des diverses industries. De plus la libre concurrence a un autre objectif, celui d’abolir les différents règnes des propriétaires fonciers comme le fait remarquer Marx dans Les Manuscrits de 1844 à propos de la concurrence : «  la conséquence dernière est donc l’abolition de la différence entre le capitaliste et le propriétaire foncier, de sorte que, dans l’ensemble il n’y est plus que deux classes de la population : la classe ouvrière et la classe des capitalistes. »5 Les propriétaires fonciers sont ceux qui possédaient la terre et donc, pendant la période de la monarchie, les propriétaires fonciers étaient les nobles. D’où l’intérêt d’abolir la différence entre le capitalisme et le propriétaire foncier. La concurrence aboutie à l’abolition de la différence ente le capitaliste et le propriétaire foncier car les propriétés ne sont plus régies, en priorité, par le système d’héritage mais par le système financier. C'est-à-dire que les propriétaires peuvent ne plus garder leurs terres pour leur enfants, mais les vendre et donc faire de leurs terres un capital. Ainsi en faisant jouer la concurrence entre les différents domaines, soit les propriétaires fonciers vendent leurs propriétés pour qu’elles leur rapportent de l’argent, soit ils les gardent, mais elles ne leur rapportent plus d’argent car les différentes industries partent là où les domaines sont à vendre et ainsi ne payent rien au propriétaire foncier. Les propriétaires fonciers, c'est-à-dire les nobles qui vivaient du prix du loyer de leur terrain, ont donc disparu avec la concurrence.

Par conséquent, la bourgeoisie a pris alors le pouvoir dans les divers pays de l’Europe par le biais de nombreuses révolutions notamment en 1848. Mais nous ne développerons pas ce point historique car ceci ne rentre pas dans notre propos. Cependant nous devons noter que nous allons retrouver ces diverses révolutions au court de notre ouvrage car c’est une période qui a souvent inspiré Marx, notamment pour la dictature du prolétariat. La bourgeoisie a remplacé le système de propriété féodale par la libre concurrence pour permettre à leurs entreprises de s’épanouir. La libre concurrence est alors le centre même du système capitaliste. La libre concurrence est un système économique où chacun dispose de la liberté de produire et de vendre aux conditions qu’il souhaite un produit particulier et ceci sans que l’Etat n’intervienne dans les échanges, sauf pour garantir la libre concurrence elle-même. La suprématie économique et politique de la classe bourgeoise engendre alors l’économie capitaliste de la libre concurrence. La politique bourgeoise garantie la libre concurrence des industries et gère la société pour favoriser les industries dans la nation et les industries nationales à travers le monde. Par le biais de la révolution, la bourgeoisie a renversé le pouvoir monarchique et a naturellement pris le pouvoir à sa place, elle a alors développé l’économie et la politique pour favoriser sa propre classe. Nous allons donc maintenant analyser le système « moderne ».

1 Manifeste du Parti Communiste. Paris. Ed. GF Flammarion

2 W. Sombart. Der moderne Kapitalismus. Historisch-systematische Darstellung des gesamteuropäischen Wirtschaftslebens von seinen Anfängen bis zur Gegenwart. Final edn. 1987 Munich.

3 Le Capital, Paris, Edition Social, 1983

4 Il faut entendre « féodal » ici, comme l’entendais Marx, c'est-à-dire le système monarchique

5 Manuscrit de 1844, Paris, GF Flammarion, 1996, p.101