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Titre du blog : La pratique du communisme selon marx
Auteur : lapratiqueducommunisme
Date de création : 17-11-2010
 
posté le 17-11-2010 à 10:58:51

Introduction seconde partie

La pratique théorique est un concept d’écrit par Althusser dans son œuvre, Pour Marx.


« On ne prend pas toujours au sérieux l'existence de l'idéologie comme pratique: cette reconnaissance préalable est pourtant la condition indispensable à toute théorie de l'idéologie. On prend encore plus rarement au sérieux l'existence d'une pratique théorique: cette condition préalable est pourtant indispensable à l'intelligence de ce qu'est, pour le marxisme, la théorie elle-même et son rapport à la « pratique sociale ». »

Pour Marx, Les Sciences Humaine et Social, 2005, p.168


Dans ce passage, Althusser redonne vie à deux concepts qui ne sont pas pris au sérieux d'une part dans l'esprit des hommes « de la rue » et d'autre part dans celui des philosophes. Cependant le concept d'une idéologie comme pratique et celui de la pratique-théorie sont des conditions fondamentales pour des domaines plus reconnus. D'une part; l'idéologie comme pratique est la condition de toute théorie de l'idéologie. Une idéologie est le terme qui rassemble l'ensemble des croyances ou idées d'une société ou d'un groupe d'individus à un moment donné. Ainsi, l'idéologie comme pratique est donc l'ensemble des actions qui sont issues des idées de ce groupe. Si nous prenons l'idéologie chrétienne, nous pouvons nommer « idéologie comme pratique » l'ensemble de leurs prières et autres cérémonies. Ces actions sont directement issues de leurs idées et croyances et ce sont directement leurs idées qui se transmettent dans la pratique. Les idées et les croyances des gens modifient et orientent nécessairement leurs actions car ils agissent en règle générale selon leurs propres volontés, c'est-à-dire comme ils le désirent. Or ils désirent nécessairement suivre leurs idées. L'idéologie possède donc directement des conséquences sur la pratique. Toute idéologie qui concerne alors les actions des hommes rentre sous le domaine d'une idéologie comme pratique. Cette idéologie comme pratique est la condition indispensable pour une théorie de l'idéologie. En effet, la théorie de l'idéologie n'arrive qu'a posteriori. Tout d'abord, les hommes pensent et échangent leurs idées, puis ils appliquent ces idées et enfin à partir de leurs applications ils écrivent une théorie cohérente entre leurs idées et leurs pratiques. La théorie est l'explication de la pratique. Il faut nous rappeler les thèses précédentes de Marx où il affirme que la vérité de toute théorie sans pratique est purement scolastique. Par conséquent, l'idéologie comme pratique est nécessaire pour construire une théorie de l'idéologie, où du moins, une théorie vraie.

D'autre part, la pratique théorique est encore moins prise au sérieux et pourtant elle est une nécessité pour une théorie et surtout pour comprendre la relation entre la théorie et la pratique sociale. Althusser définie alors cette pratique théorique comme ceci:


«La pratique théorique rentre sous la définition générale de la pratique. Elle travaille sur une matière première (des représentations, concepts, faits) qui lui est donnée par d'autres pratiques, soit « empirique », soit « technique », soit « idéologique ». Dans sa forme la plus générale, la pratique théorique ne comprend pas seulement la pratique théorique scientifique, mais également la pratique théorique préscientifique, c'est-à-dire « idéologie ». »

Pour Marx, Les Sciences Humaine et Social, 2005, p.168








D'abord, Althusser définit la pratique en générale comme: «  tout processus de transformation d’une matière première donnée déterminée, en un produit déterminé, transformation effectuée par un travail humain déterminé, utilisant des moyens (de « production ») déterminés. »1 L'auteur souligne alors le terme de transformation qui n'est pas s'en rappeler celui qui nous avons vu dans la thèse numéro 11 des Thèses sur Feuerbach. En effet, c'est à travers ce phénomène de transformation que le marxisme est une pratique théorique, comme nous allons le voir. Ici, la pratique est associée à la définition du travail humain, c'est-à-dire à la transformation d'une matière première. Mais, d'une façon plus large, la pratique englobe tout le processus du travail, c'est-à-dire de la matière première jusqu'aux moyens de production et pas seulement le mode de transformation. Nous avons ici une définition très marxiste car elle considère que toutes les actions des hommes se développent à travers le travail, c'est-à-dire par transformation de la nature. Mais certaines actions, comme courir ou chanter entre autre, n'entrent pas sous cette définition de la pratique. Cependant, selon la définition classique de la pratique, ces actions ne sont pas pour le moins non pratique (le sens commun associe la pratique à ce qui s'applique aux situations concrètes). Ainsi selon cette définition marxiste de la pratique en générale, la pratique théorique entre sous cette définition. Mais pour être cohérente avec le réel, la pratique théorique doit partir d'une autre pratique. Althusser admet alors qu'il existe des domaines pratiques qui n'entrent pas sous sa définition de la « pratique en général ». Ainsi l'empirique (c'est-à-dire tout domaine qui s'appuie ou fait partie de l'expérience), la technique (c'est-à-dire l'ensemble des domaines relatifs au travail) ou l'idéologie comme pratique (c'est-à-dire l'ensemble des actions issues d'une idéologie) composent la base de la pratique théorique. Ce qui permet à l'homme d'avoir un contact avec le monde passe nécessairement par ses propre sens. Donc, et comme nous l'avons vu, tout discours sur le monde doit nécessairement prendre comme base ce que l'homme perçoit du monde, c'est-à-dire qu'il doit nécessairement s'appuyer sur ses sens et donc sur ce qu'il y a d'empirique. Le marxisme qui nous intéresse est une philosophie politique qui possède comme fondement la critique de l'ancienne société dans l'objectif d'en constituer une nouvelle: le communisme. Marx prend alors comme fondation les conséquences de la société capitaliste. Cette dernière agit essentiellement sur l'organisation du travail et surtout sur la façon technique de l'organiser. Ceci entraine alors une multitude de conséquences que nous allons voir dans une première partie. D'un autre coté, comme nous l'avons vu dans la thèse 11 des Thèses sur Feuerbach, Marx vise à transformer le monde. Il prend alors pour fondement l'idéologie communiste, c'est-à-dire les principes d'une société sans classe, sans État, fondés sur la mise en commun des moyens de production. Ces principes qui composent la base du communisme et du marxisme ne sont ni scientifiques, ni philosophiques, ce sont un choix de société. Le fondement de la pratique théorique de Marx est alors d'une part la société capitaliste dans sa réalisation et d'autre part l'idéologie communiste. L'objectif de Marx est de partir de la société capitaliste pour la transformer de façon pratique en communisme. Le détail de cette transformation est la pratique théorique. En effet ce n'est ni de la pratique, car Marx n'agit pas directement sur le monde, ni de la théorie, c'est-à-dire un discours sur le monde actuel. La pratique théorique est un discours sur les méthodes pour transformer le monde. Althusser donne alors un exemple précis pour mieux comprendre ce concept:


« L'application extérieure d'un concept n'est jamais l'équivalent d'une pratique théorique. Cette application ne change rien à la vérité reçue du dehors, sauf son nom, baptême incapable de produire aucune transformation réelle dans les vérités qui le reçoivent. »

Pour Marx, Les Sciences Humaine et Social, 2005, p.171



Le point important dans la pratique théorique repose exclusivement dans le statut de changement de l'état des choses. C'est la nature même de la pratique théorique. Un concept est une représentation mentale d'un objet ou d'une idée issue de l'esprit. L'application de ce concept n'inclue pas nécessairement un changement. Ainsi lorsque les scientifiques ont mis en place le concept d'ADN, le fait de mettre le doigt sur l'ADN ne change pas le réel, il lui donne juste un nom. Plus encore, lorsque Newton écrit sur la chute des corps, il ne fait pas de la pratique théorique, mais il explique la réalité. La représentation mentale est le fait de produire dans son esprit l'image de quelque chose qui existe déjà ou l'image d'une composition de divers objets qui existent. La réalisation d'un concept permet de faire passer un objet de l'esprit à la réalité mais avant cela il est nécessairement passé de la réalité à l'esprit de part la nature même d'une représentation. Le lien entre l'objet et l'esprit est fermé, c'est-à-dire que l'esprit n'apporte rien de nouveau à l'objet. De plus l'objectif du concept n'est pas de transformer l'objet mais de permettre à l'esprit de le comprendre. Or même si ces découvertes ont changé fondamentalement la société (que ce soit avec l'aéronautique pour Newton ou les progrès médicaux pour l'ADN) ils n'ont fait qu'expliquer le réel et mettre des noms sur des évènements. Cependant Althusser est un peu dur avec les découvreurs. Ils ont aussi permis de mettre à jour les liens de cause à effet (bien qu’ils n’en soient pas à l'origine). De plus, les techniques pratiques qui découlent de ces concepts sont bien issues d'une pratique théorique, c'est-à-dire d'hommes qui mettaient à profit ces découvertes pour changer le monde. Marx se place alors dans la pratique théorique dans la mesure où pour lui il ne faut plus interpréter le monde car «  ce qui importe, c’est de le transformer ». Or dans la pratique théorique, ce qui importe c'est de transformer le réel. La pratique théorique est alors une notice, c'est-à-dire des indications écrites sur une transformation pratique, qui porte sur la transformation du réel lui-même.

Cependant, Marx n'a jamais établi une pratique théorique claire. Comme nous venons de le voir la pratique théorique existe chez Marx, car il avait bien pour objectif de changer le monde, à travers le communisme. Mais la pratique théorique du communisme est dispersée dans toutes ses œuvres, qui sont pour la grande majorité des critiques du capitalisme comme nous l'avons dit. C'est à travers les nombreux développements de la critique du capitalisme, que ce soit une critique directe sur les pratiques du capitalisme avec le 18 Brumaire de Louis Bonaparte ou encore le Manifeste du Partie Communiste, ou des critiques sur des sujets concernant la théorie même du capitalisme avec l'Idéologie Allemande ou le Capital, que Marx a écrit la pratique théorique du communisme. Notre objectif n'est alors rien d'autre que de reconstituer de façon logique la pratique théorique de Marx. Cette pratique théorique a donné lieu à de nombreuses interprétations durant l'histoire du XXème siècle, que ce soit avec Lénine, Staline, Trotski, Mao et beaucoup d'autres, mais jamais elle n'a été clairement mise à nu sans une interprétation de leur auteur avec leur propres apports politiques (niant certains points, mettant en avant plus que nécessaire d'autres). Aussi nous allons chercher à réponde à cette question: Qu'est ce que la pratique du communisme chez Marx? Pour ce faire, et comme je l'ai déjà annoncé, nous allons dans un premier temps voir les grands principes du capitalisme dans la mesure où Marx prend comme appui empirique le capitalisme comme état de fait. Ensuite nous allons voir comment la révolution semble nécessaire pour Marx puisqu'elle découle logiquement des conséquences de ce capitalisme sur la masse salariale. Enfin nous analyserons l'après révolution avec la question centrale et polémique de la définition et de la place de la dictature du prolétariat dans la révolution.

1Althusser, Pour Marx, Les Sciences Humaine et Social, 2005, p.167